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Billet de blog 5 mars 2016

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Les frasques d’Evo Morales

La paternité cachée d’Evo Morales et ses liens avec une affaire de trafic d’influence. La conduite du président à l’égard de ses enfants et de leurs mères.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le 3 février dernier, le journaliste Carlos Valverde révèle un probable trafic d’influence impliquant Evo Morales. Il montre qu’en 2007 le président a eu un garçon d’une jeune fille de Cochabamba. Or, depuis 2013, la mère de cet enfant occupe le poste de gérante commerciale d’une entreprise chinoise,CAMC Engineering, qui a signé plusieurs contrats millionnaires avec l’État bolivien.

Depuis lors, cette affaire fait l’actualité. Réservant pour plus tard le dossier sur la corruption, je consacre mon billet d’aujourd’hui aux incartades du président.

Et j’ai choisi de les présenter en reprenant des extraits de trois chroniques écrites par des femmes boliviennes.

Mery Vaca :  Evo Morales paie la facture de son machisme (El machismo le pasa factura a Evo Morales)

http://www.univision.com/noticias/corrupcion/el-machismo-le-pasa-factura-a-evo-morales

Les dix années de présidence du président de Bolivie, Evo Morales, ont été pimentées par une série de plaisanteries machistes  provoquant les rires de ses affidés et l’indignation de ses détracteurs.

Au début de son mandat, il fit s’esclaffer des milliers de personnes en lançant : « Les femmes tombent enceintes après mon passage dans les bourgades, et sur leurs ventres on peut lire : Evo tient ses promesses (Evo cumple) »[1].

Cependant, ses détracteurs assurent  que ces blagues révèlent le machisme d’un président qui mit des années avant de reconnaître ses deux premiers enfants et à assurer leur subsistance. Et le voilà en acteur principal du feuilleton d’un troisième enfant, Ernesto Fidel, né il y a huit ans, qu’il présumait mort mais qui serait toujours en vie, selon sa famille maternelle.

Dans ce feuilleton digne d’une série télévisée, l’opposition accuse le président Morales  de trafic d’influence et de légitimation de  gains illicites. Pour s’en défendre le gouvernement fait arrêter la mère de l’enfant, Gabriela Zapata, qu’il va même jusqu’à accuser d’être liée avec un réseau d’opposants.

Susana  Seleme : Infamies (Infamias)

http://www.eldia.com.bo/index.php?c=Opini%F3n&articulo=Infamias&cat=162&pla=3&id_articulo=193179

En 2002, il (Evo Morales) a été momentanément suspendu de ses fonctions deparlementaire parce qu’il ne voulait pas reconnaître sa fille, Eva Liz, et ne payait pas sa pension alimentaire. Selon le livre de Roberto Navia et Darwin Pinto, Un tal Evo, la mère de l’enfant, Francisca Alvarado Pinto (ex dirigeante syndicale et reporter), l‘a assigné en justice et a obtenu qu’il lui verse une pension de 150 dollars mensuels. Une fois le problème réglé, Evo Morales a retrouvé son siège de député et, aujourd’hui, la journaliste est propriétaire de la radio Sonora à Oruro.

Poursuivons. Élu président, Evo Morales a dû reconnaître un second enfant, Álvaro, que l’on a vu pleurer à la télévision tandis qu’il racontait dans quel état de pauvreté il vivait, avec sa mère. Maintenant, il y a le fils de Gabriela Zapata. Combien d’enfants cet homme a t’il semés ? Après que Carlos Valverde eut révélé  le trafic d’influence et montré l’acte de naissance d’Ernesto Fidel Morales Zapata, son père, président de la Bolivie, a annoncé que l’enfant était décédé. Mais il n’a pas de certificat de décès, ne sait pas ce qui lui est arrivé et ignore où il est enterré. Et maintenant, il le veut à ses côtés. Ou bien il a « tué politiquement son fils », comme dit Valverde, ou bien c’est un pharisien de première.

Je répète ce que j’ai déjà dit : Evo Morales est un prédateur sexuel machiste qui  assouvit ses  pulsions avec des adolescentes, les engrosse et les abandonne ensuite. Nous savons que mademoiselle Zapata avait 16 à 17 ans quand Morales l'a séduite, et il se murmure qu’il aurait aussi une  petite fille d’une autre adolescente, dont on cèle le nom.

María Galindo : Pour elle la faute, pour lui la défausse  (Para ella la culpa, para él la disculpa)

http://www.paginasiete.bo/opinion/maria-galindo/2016/3/2/para-ella-culpa-para-disculpa-88392.html

En Bolivie, la violence machiste ne se manifeste pas seulement par des coups et par le dénigrement de la mère ; le pouvoir du père s’exerce aussi  par la manipulation des garçons et des filles ;  les  pères retournent les enfants contre les mères.

 Evo Morales a eu un enfant qu’il n’a pas vu naître parce qu’il était occupé à jouer au football, assistait à une réunion syndicale,à moins que ce ne soit une réunion du Cabinet ; c’est pareil.  Son fils tomba malade et Evo affirme qu’il a aidé à financer les soins, mais il ne sait pas de quelle maladie il souffrait. Il ne l’a pas pris dans ses bras, il ne l’a pas soigné. Il n’était pas présent parce qu’il était occupé par une chose plus importante. On l’a informé que l’enfant était mort, mais il n’a pas fait sa toilette mortuaire, il ne l’a pas pleuré, il ne l’a pas enterré, parce que l’enfant lui importait peu.

En supposant que l’enfant vive encore, sa responsabilité n’en est que plus grande.  En niant qu’il soit en vie, il lui assène un coup psychologique irréversible, car à 8 ou 9 ans l’enfant est pleinement conscient.

La presse n’est pas responsable. C’est le président qui a ravalé la paternité à un niveau inacceptable pour la société. Il l’avait déjà fait avec Eva Liz et son frère qui ont souffert, pendant  neuf ans, un authentique calvaire psychologique en mendiant les pensions du député, et en l’assignant en justice pour qu’il reconnaisse sa paternité.

En admettant que l’enfant soit vivant et qu’Evo Morales exerce une paternité clandestine, à la suite d’un accord secret passé avec la mère, pour masquer le trafic d’influence qui le place dans la position d’être attaqué en justice (juicio de responsabilidad), alors il renie son enfant parce que son lien avec lui pourrait entraîner sa chute.

Monsieur le  président, votre irresponsabilité paternelle ne blesse pas seulement votre fils vivant ou décédé, elle blesse l’ensemble de la société. Elle blesse les mères célibataires qui se battent pour obtenir des aides familiales et qui doivent affronter le regard de leurs enfants qui rentrent du collège en demandant leur père.

Tous les machistes culpabilisent et satanisent la mère. Et quand ce gouvernement,  utilise comme  bouclier une ministre de seconde zone[2], il montre à quel point il déprécie les femmes : elles leur servent de  chiffons pour nettoyer la saleté du président.

Illustration 1
danse

Brève chronologie  

Le 3 février dernier,  Carlos Valverde révèle l’existence de l’enfant.

Le 5 février, Evo Morales reconnaît sa relation avec Gabriela  Zapata. Il admet qu’ils ont eu un enfant mais, selon ses dires, il est mort quelques mois après sa naissance.

Les jours qui suivent, les ministres de la Présidence et de l’Intérieur accusent le journaliste Valverde d’être un agent de l’ »Empire » chargé de miner le gouvernement à la veille du referendum du 21 février.

Le 26 février, Gabriela  Zapata est arrêtée. Elle est accusée d’usurpation de fonction, de trafic d’influence et d’enrichissement illicite.

Le 27 février, la tante de Gabriela  Zapata affirme que cet enfant est vivant.

Le 29 février, Evo Morales annonce qu’il veut récupérer l’enfant, sinon il recourra à la justice

Le 1 mars, Gabriela  Zapata avise qu’elle ne montrera l’enfant que devant la presse internationale pour préserver sa sécurité, tandis que le ministre de la Défense dépose un recours devant le juge des mineurs pour que l’enfant soit présenté à son père.

Le 2 mars, la ministre de la Justice menace  Gabriela Zapata d’un procès si elle montre l’enfant, car cette démarche est contraire au Code des enfants et adolescents.

Le 3 mars, Evo Morales assigne Gabriela Zapata en justice pour violence morale à l’égard de l’enfant.

Le 4 mars, le ministre de la Défense affirme que l’enfant ne sera  présenté ni au père ni à personne car il est décédé.

On ne sait toujours pas ce qu’il en est.


[1] Référence au programme d’assistance « Bolivia cambia, Evo cumple ».

[2] En l’occurrence, la ministre de Transparencia Institucional y Lucha Contra la Corrupción à l’initiative de laquelle Gabriela Zapata est arrêtée le 26 février.

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