Teresa Gisbert est décédée à La Paz le 19 février, en sa 92e année, au terme d’une vie consacrée à l’histoire des Andes. Le gouvernement bolivien n’a pas jugé utile de lui rendre plus d’hommage qu’un tweet de condoléances.
Dommage. Il s’est privé de rappeler quelques fondements de la culture andine dont il se réclame pourtant à grand bruit.
Dès les années 1950, en compagnie de son mari, l’architecte José Mesa, Teresa Gilbert a parcouru les Andes — en ce temps-là, il y fallait de la santé et de l’obstination — photographiant, dessinant des édifices, des fresques, des tableaux, des objets dont beaucoup ont depuis disparu au fil des pillages facilités par l’incurie des autorités.
Ce n’était là que de l’art rustique, de l’art de rustres. Pendant ces années, Teresa et José ont fait connaître, et reconnaître ces artistes anonymes, indiens œuvrant à édifier des bâtiments chrétiens auxquels ils imprimaient la marque de leurs croyances anciennes. Des sirènes apparaissaient aux tympans des églises, les divinités lacustres du Titicaca restaient toujours présentes.
Et au fil des ans, Teresa Gisbert et José Mesa parvinrent à bâtir une réflexion sur le métissage artistique internationalement reconnue.

L’ouvrage Iconografia y mitos indígenas en el arte[1], que Teresa publia en 1978, a profondément marqué les historiens de l’Amérique andine. D’autres ouvrages ont suivi, qui éclairaient aussi le rôle des grandes familles de caciques aymara et la persistance, sous le régime républicain, de cette identité andine qui est bien autre chose que des turlupinades aux ruines de Tiahuanaco.
Le bilan artistique et scientifique du régime bolivien est-il donc si riche qu’il se dispense de célébrer pareil héritage ?
[1] Consultable à l’adresse suivante : https://fr.scribd.com/document/372304807/Teresa-Gisbert-Iconografia-y-mitos-indigenas-en-el-arte-pdf