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Billet de blog 28 mai 2016

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La traque de l’avocat de l’ancienne maîtresse d’Evo Morales

La réaction du défenseur de Gabriela Zapata après qu'il eut été arrêté.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C’est peu de dire que l’avocat Eduardo León agace le gouvernement bolivien.  Avant de prendre la défense de Gabriela Zapata, il avait plaidé en 2015 le dossier de Rafael Quispe, un député de l’alliance Unidad Demócrata (UD) attaqué pour ses révélations et dénonciations dans le scandale du Fondo Indigena[1]. Et plus tôt encore, en 2014, il avait assuré la défense d’Alberto Cusi, un magistrat du Tribunal Constitucional Plurinacional (TCP) rétif à suivre les consignes du pouvoir exécutif, suspendu de sa charge par l’Assemblée législative plurinationale et harcelé à tel point que, pour ruiner sa réputation, le ministre de la Santé avait révélé qu’il était atteint du Sida[2]

On ne peut pas dire qu’il n’avait pas été averti. En avril 2016, après qu’il eut livré à la presse le contenu de conversations intimes entre Gabriela Zapata et le ministre de la Présidence, ce dernier s’était fait menaçant en tenant publiquement ce propos : « L’avocat León joue sa vie dans ce procès, et j’ai bien peur qu’il termine en agneau »[3]

Finalement, le 26 mai, après neuf jours de garde à vue, Eduardo León est assigné à résidence sous surveillance policière, et il doit verser une caution de 80 000 bolivianos (10 130 euros).  Il lui est cependant permis d’exercer sa profession pendant la durée du procès qui lui est intenté.

Mais au moment de diffuser ce billet, il n’est toujours pas sorti de prison. On fait visiblement traîner les formalités administratives nécessaires à sa libération. Jusqu’à quand ?

*

Entretien d’Eduardo León avec un rédacteur du quotidien Página Siete paru  le 24 mai 2016[4].

Apparemment, il y a eu des irrégularités dans votre procès. Qu’en dîtes-vous ?

La première irrégularité vient de ce qu’on m’arrête sanscontrôle juridique.  On m’arrête le 17 mai, et le parquet avise le juge du début l’enquête seulement après coup…

Je ne sais même pas pourquoi je suis détenu depuis une semaine; il n’y a pas d’inculpation formelle, ce qui montre bien la carence juridique de leur manière de faire.

Vous attendiez-vous à cette situation ?

La justice bolivienne est exsangue, elle est en thérapie intensive et mon cas est un exemple de la façon dont elle est rendue dans le pays.Je veux ajouter que la nuit des longs couteaux a commencé, la persécution de tous les citoyens, de la presse, des avocats, de tous les hommes politiques hostiles à ce gouvernement failli (fallido). Je vais  lutter fermement en faveur de la démocratie qui se meurt ; nous devons nous battre pour la maintenir.

Illustration 1

Zapata vous a-t-elle tendu un piège ?  Vous-a-t-elle apporté des preuves de ses allégations ?

Je pense qu’il y a eu un complot. Il ne vient pas de Zapata. Ils veulent ma perte. J’avais déjà été victime de menaces. La persécution a démarré lorsque madame Zapata a commencé à livrer des documents, principalement à l’autre avocat.Cependant, je n’ai fait que jouer mon rôle d’avocat.

Gabriela Zapata vous-a-t-elle confié des documents ?

Pour ce qui est du trafic d’influence, il y a des éléments concluants et évidents. Je pense que monsieur le ministre de la Présidence connait ces preuves. C’est pour cela qu’il commence à avoir peur et à attaquer comme un cow-boy qui tire tous azimuts, sur la presse, sur les avocats.

L’objectif est de vous empêcher de parler ?

Ils ne veulent pas seulement me faire taire. Le ministre de la Présidence veut ma peau. C’est ce qu’ils veulent, car ils sont venus jusqu’à ma cellule pour m’aviser que si je continuais mes révélations, mes déclarations, la prison ne suffirait pas à me châtier. Le ministre de la Présidence veut ma mort, et ils m’ont dit que la prison était l’antichambre du cimetière.

Mais dans cette hypothèse qu’est-ce que ça changerait ? Cela mettrait le gouvernement en mauvaise position.

L’objectif immédiat, c’est de me faire taire. Ils veulent que madame Zapata  demeure emprisonnée sans pouvoir présenter les preuves qu’elle doit présenter. Mais à un moment ou à l’autre ces documents apparaîtront, parce qu’ils existent, avec les noms des responsables des contrats et leurs signatures.

Qu’avez-vous envie de dire à la population bolivienne ?

J’ai longtemps souffert, j’ai été très pauvre ;  le peu que j’ai, je l’ai acquis dignement, grâce au travail. J’ai une femme, deux filles, des amis qui m’accompagnent et je leur dis que mon arrestation est un grave précédent pour la Bolivie.


[1] Voir mon billet précédent : Bolivie : un pas de plus vers la dictature.

[2] Mal lui en a pris. Le scandale a été tel qu’il a dû démissionner peu après.

[3] http://www.paginasiete.bo/nacional/2016/4/2/quintana-leon-esta-jugando-vida-91905.html

“El abogado (Eduardo) León se está jugando la vida en este proceso y me temo que termine como una ovejita”,

[4] http://www.paginasiete.bo/nacional/2016/5/24/comenzo-persecucion-noche-cuchillos-largos-97517.html

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