Une bien étrange réunion, 9 jours avant l’attribution de la coupe du monde de football 2022 au Qatar
Le parquet national financier (PNF) a ouvert en 2016 une enquête préliminaire pour « corruption privée », « association de malfaiteurs » ; « trafic d’influence et recel de trafic d’influence » autour des conditions d’attribution par la Fédération internationale de football (FIFA), de la Coupe du monde de football 2022 au Qatar. Souvenons-nous que cette attribution fut décidée, à la surprise - feinte - mais générale en 2010.
La justice française s’intéresse, six ans après les faits, à « une réunion supposément secrète », supposément, parce cette dernière est dûment inscrite au registre du protocole, qui s’est tenu au Palais de l’Élysée le 23 novembre 2010. La date est d’importance puisqu’elle se situe neuf jours avant que la FIFA attribue la coupe du monde 2022 au Qatar. Cette rencontre - étrange par son cadre institutionnel sans rapport apparent avec son objet - réunissait Nicolas Sarkozy, le prince du Qatar, Tamim bin Hamad al-Thani, et Michel Platini alors président de l’UEFA et vice-président de la FIFA. On peut se demander dans quelle mesure un président de la République française peut trouver une légitimité à accueillir une délégation qatarienne qui accompagnait celui qui allait devenir, trois ans plus tard, l’émir du Qatar.
Parmi ces délégués se trouvait Sheikh Talal Abdelaziz al-Thani, cousin de Tamim, appartenant à la branche ben Ali écartée du pouvoir par le putsch d’Hamad al-Thani émir du Qatar et père de Tamim. Talal, en ce 23 novembre 2010, a sûrement fait ce qu’il fait depuis plusieurs années à travers les zones de conflits armés et les capitales européennes, il escorte des valises. Des valises aussi noires que les desseins des mains qui les reçoivent. Talal est emprisonné depuis 2012, et depuis sa prison, il a des choses à dire.

Des arrangements français mais aussi internationaux
En 2014, le journal britannique Sunday Times révélait que Mohamed bin Hammam, ex-membre exécutif de la FIFA pour le Qatar et président de la confédération asiatique, écarté en 2011 pour des faits de corruption, aurait déboursé 5 millions de dollars pour rallier le soutien de votants pour l’attribution de la coupe du monde de football 2022 au Qatar.
Mohamed Bin Hamman, ami proche de Sheikh Talal, faisait également partie de la délégation présente le 23 novembre à l’Élysée. Récemment le Sunday Times affirmait détenir des preuves de versements de 880 millions de dollars de la part du Qatar à la fédération internationale de football (FIFA) afin de décrocher l’organisation de la Coupe du monde de 2022. Aux dires de Talal, bien d'autres versements auraient été effectués.
Cette corruption qatarie ne s’arrête pas aux terrains de football.
En ce qui concerne les Mondiaux d'athlétisme au Qatar : le patron du PSG, Nasser Al-Khelaïfi est mis en examen. Dans ce dossier, un proche du dirigeant du PSG, Yousef Al-Obaidly, patron du groupe de médias beIN, a été également mis en examen, également pour ‘corruption active’. La corruption est un phénomène récurrent, ce qui ne manque de soulever un certain nombre de questions. Pour exemple, Nasser al-Khelaïfi, mis en examen le 23 mai 2019 est tout à la fois président du PSG, de beIN Sports, de Burrda Sport (fabricant d’articles de sport), de QSI (le fonds souverain du Qatar chapeautant tous ses investissements sportifs), de la Fédération qatarie de tennis, de squash et de badminton du Qatar, et enfin vice-président de West Asian Tennis Fédération. Sans oublier son statut de membre du comité d’organisation de la Coupe du Monde 2022 au Qatar et du comité exécutif de l’UEFA.
Nasser al-Khelaïfi possède nombre de nombreuses cartes de visite qui reviennent souvent dans des dossiers à sensation. Cela fait plusieurs années que ces dossiers sont liés à des accusations de corruption qui viseraient à se positionner favorablement dans des candidatures improbables pour de grands événements sportifs. Quand il ne s’agirait pas de l’organisation de ceux-ci, ce serait pour l’obtention des droits de rediffusion ou pour jouer les équipementiers sportifs. Quand un chèque serait tiré sur un de ses comptes, ce ne serait que pour en renflouer un autre. À ce niveau d'acrobaties financières, on ne pourrait plus parler de conflits d’intérêts, mais de schizophrénie économique.