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Billet de blog 1 mars 2022

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Lev Dodine : « je ne peux dire qu’une chose : arrêtez ! »

Les grands maîtres du théâtre russe restent silencieux devant les événements chaque jour un peu plus monstrueux visant leurs »frères » ukrainiens. L’un d’entre eux, bien connu du public occidental, rompt ce silence assourdissant.

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Les théâtres russes sont pour la plupart dirigés par des personnes âgées, voire très âgées, souvent en poste depuis des lustres qui n’ont pas pour réputation d’être des foudres de guerre. Mais il y a des exceptions. A Saint Pétersbourg, Lev Dodine, à la tête de son théâtre Maly-Théâtre de l'Europe depuis longtemps, a joué un rôle majeur dans le renouvellement du théâtre russe, et, en tant que professeur, il formé de nombreux élèves qui, depuis ont, pour certains fait du chemin.

Ses spectacles, depuis le choc que fut Gaudeamus, ont fait le tour du monde. Sa mise en scène de Frères et sœurs racontant la vie d’un village à l’heure soviétique est un chef d’œuvre venu deux fois en France invité par le Festival d’automne au temps d’Alain Crombecque. Aujourd’hui ce vieux maître a tenu à prendre la parole. Dans un message transmis et traduit par Nathalie Conio, on le voit, assis regardant le ciel, ses deux mains jointes accompagnant son cri de détresse : « je ne peux dire qu’une chose : arrêtez ! ». Dodine a écrit une lettre personnelle au président Poutine et l'a transmise à la rédaction de la revue Teatr (fermée depuis, devenue un blog piloté depuis Berlin, note de mai 2023). En voici des extraits traduits à la volée par Nathalie Conio:

"Je suis anéanti, abasourdi et le mot est faible. Moi, enfant de la guerre mondiale, dans mes pires cauchemars, je ne me serais jamais imaginé que les fusées russes pourraient être dirigées sur des villes et des villages ukrainiens, et obliger les habitants de Kiev à aller dans des abris anti-atomiques et les obliger à quitter leur pays.

Quand j'étais enfant on jouait  à la guerre et à la défense de Moscou, Léningrad, Kiev. Difficile d'imaginer que Kiev aujourd'hui  doit se défendre contre des officiers et des soldats russes ou être obligés de se rendre à eux. Mon cerveau se colle à ma tête et je ne peux plus imaginer de telles images.  (...)

Aujourd'hui le monde s'effondre quand  ceux qui tuent, tuent des gens proches.La pitié, l'empathie, l'amour de l'autre ne peuvent pas être confisqués par un état ou des hommes politiques. Il n'est pas possible de dicter aux hommes ce qu' ils doivent aimer ou dicter leurs peurs. (..) Maintenant on peut le dire, la culture et et  l'art n'ont pas réussi  leur mission de comprendre et de ressentir la douleur de l'autre comme sa propre douleur. Aucun idée, aucune idéologie ne peut valoir une vie humaine. J'ai 77 ans. C'est difficile d'imaginer que maintenant, partout autour de nous, il y a aura  les bons et les méchants, ceux qui ont raison et ceux qui ont tort, les ennemis de l'intérieur et ceux de l'extérieur. Essayer de modeler le passé et de redéfinir le futur tout cela on l'a déjà connu au XXeme siècle. Le XXIe siècle a commencé de façon bien plus âpre et horrible que le précédent.(...) Faisons du XXIe siècle ce que nous en rêvions set non ce que nous en avons fait.. (...)Au dessus ne nos têtes ne volent plus des colombes de la paix  mais des missiles de haine et de mort. Arrêtez! Arrêtez! Je vous en supplie!"

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