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Billet de blog 1 avril 2025

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Autrices, actrices, metteures en scène à l’honneur du festival WET

Femmes violées, enfermées, héritières, boulimiques ou errantes ont animé la neuvième édition de WET, le festival de la « jeune création » au Centre Dramatique National de Tours.

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Illustration 1
Scène de Requin velours © Christophe Raynaud de Lage

Inauguré sous le mandat de Jacques Vincey, Bérangère Vantusso qui lui a succédé à la tête du CDN de Tours a gardé le festival WET, devenu un rendez-vous annuel à l’orée du printemps. La directrice a également maintenu l’héritage de la « Jeune  Troupe » qui réunit huit actrices et acteurs sortis des écoles. On a pu les voir récemment dans le formidable cycle des Croyances de Guillermo Pisani, la Jeune Troupe participera cet automne au prochain spectacle de Bérangère Vantusso. Enfin, c’est désormais la Jeune Troupe qui gère, de bout en bout, le festival WET et en établit préalablement la programmation à partir de plus de trois cents propositions venues de France mais aussi de Belgique, de Suisse d’Italie, d’Espagne.

La Jeune Troupe a donc sillonné les territoires pour voir des spectacles ou des maquettes et visionné les nombreuses captations reçues. Puis, entre eux, les membres de la Jeune Troupe se sont accordés sur un choix de huit spectacles, souvent des premiers spectacles. Souvenons nous que c’est à WET que l’on a découvert Le Raoul collectif ou le premier spectacle de Camille Dagen.

Qu’en est-il cette année ? Sur les huit spectacles de jeunes compagnies à l’affiche, on observe une écrasante majorité de créations au générique complètement ou largement féminin. Et, se détachant du lot, Requin velours par la compagnie Sorry Mom basée à Strasbourg. Texte et mise en scène signés Gaëlle Axelbrun laquelle signe également la scénographie : tout se passe sur et autour d’un ring tenant lieu de décor métaphorique.

Roxane ( Mécistée Rhea) a été victime d’un viol. On ne verra ni le viol, ni le violeur mais le chemin semé d’embûches (flics qui doutent, avocat qui tergiverse, sentiment de honte de la violée, parodie ou presque de procès) pour obtenir réparation. Roxane n’est pas seule mais fort bien accompagnée par ses amies Joy ( Cécile Mourier) et Kenza (Amandine Grousson )-les « loubardes » (nom de leur groupe de rock), rencontrées au lendemain du viol près d’une baignade où elles se baignent toutes les trois sans maillot.

Mais comment se laver d’un viol ? Comment Roxane, une habituée des rencontres sur Tinder avec des hommes et des femmes, passera, après son viol, à des rencontres tarifées avec des clients ? Devenir pute pour conjurer le viol ? Comment les trois copines réécrivent l’histoire avérée, celle du classement sans suite comme la plupart des histoires de viol et le scénario qu’elles imaginent et s’amusent à jouer avec, entre vengeance et réparation, et, façonnant le paysage, l’amitié et la solidarité comme voies de la consolation.

« je veux que tous les hommes, quand il me croisent dans la rue/et qu’ils me reconnaissent, (ils me reconnaîtront), / je veux qu’ils disent Pardon / je veux qu’ils disent/ Viens là/ Je te bercerai/ Nous te bercerons/ Je veux être calmée/ caressée/ enlacée/par tous les bras/ tous les corps/ caressée/ par la douceur/ qui me dirait/ Viens là et repose toi/ Tu n’as plus à t’inquiéter » dit Roxane, écrit Gaëlle Axelbrun.

Les trois actrices complémentaires comme les trois personnages s’associent pour boxer le texte qui oscille entre réel et imaginaire tout comme le titre de la pièce Requin velours : le requin, grand prédateur, pouvant avoir la peau douce comme l’a le requin soyeux.

Louise Herrero et Estelle Rotier se sont connues à l’École du jeu à Paris et ont fondé la compagnie La mesa Feliz basée à Villeneuve-sur-Lot. Elles ont écrit et jouent ensemble leur première pièce C’est un réflexe nerveux on n’y peux rien . En scène, Thérèse et Palmier, deux femmes que tout oppose mais font la paire car elles sont cloîtrées ensemble. La nourriture est leur hantise et agite bien des fantasmes. La pièce reste trop balbutiante  le jeu manque de nuances mais il y a là l’amorce d’un univers, celui d’un duo burlesque au féminin.

Agathe Paysant, elle aussi formée à l’École du jeu, met en scène Je n’ai pas le don de parler, d’après des textes de Robert Walser (extraits des Petits textes poétiques et de sa Blanche-Neige). Un joli choix de textes mais un montage plus hasardeux.

La compagnie belge Le comité réunit Astrid Akay, Marie Mieko Bourin et Victoria Lewuillon, ensemble elles ont écrit et jouent Chimères. Depuis trois ans, à travers différents projets, elles sont également liées, en Belgique, à la Ligue des travailleuses domestiques sans papiers. Chimères nous emmène ailleurs, sur les traces d’un oncle de Victoria, chercheur en biologie et ayant traqué les traces d’ un reptile volant qui aurait existé il y a des millions d’années. A la mort de son oncle, Victoria Lewuillon a reçu ses archives en héritage. Le spectacle réanime ce lien filial, explore ses traces ...et ses chimères. Un spectacle qui semble constamment en devenir.

Multigrouillaes, un spectacle plutôt destiné aux enfants, propose un univers volontiers nocturne où s’ébattent des ombres ça et là éclairées par de petites loupiotes comme autant de signes de vie ou de survie. Ça grouille, ça rampe, ça remue, ça fouille, ça trifouille. Une attachante fredaine de la métamorphose, fruit d’une « création collaborative » de la compagnie Fléchir le vide en avant (en faisant une torsion de côté) basée à Besançon, un spectacle mis en scène par Fanny Scherer.

Bref un bilan contrasté, comme il se doit.

Le neuvième Festival WET , « festival de la jeune création », s’est tenu à Tours dans le le cadre du CDN du 28 au 30 mars.

Requin velours a été créé à Strasbourg au TAPS , lieu auquel la compagnie est associée, il a été programmé à Théâtre Ouvert en février dernier puis au Théâtre du point du jour à Lyon avant d’arriver au WET.

C’est un réflexe nerveux on n’y peut rien sera le 12 nov à l’Étoile du Nord à Paris

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