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Quand on apprend la disparition d’une actrice qui accompagne votre vie de spectateur depuis si longtemps, on regrette de ne pas lui avoir assez dit combien on l’aimait, combien elle illuminait les spectacles dans lesquels elle jouait, combien elle avait su discrètement embellir au fil des années votre vie de spectateur, combien à vrai dire, sans la connaître, sans avoir parlé longuement avec elle, Michelle Marquais faisait partie de votre vie.
Alors on reste sans voix, les yeux embués de souvenirs. On la revoit et c’est d’abord sa douceur qui nous apparaît, la souplesse de son corps, sa voix amicalement persuasive, son regard comme éclairé de l’intérieur, sa bonté.
A peine sortie du Conservatoire, au milieu des années 60, Michelle Marquais avait débuté avec Pierre Debauche à Nanterre dans ces années pionnières de la décentralisation dramatique en banlieue avant de rencontrer celui avec lequel elle entama alors une longue amitié scénique, Patrice Chéreau. Le prix de la révolte au marché noir de Dimitri Dimitriadis sur la scène du Théâtre de la commune en 1968 et ailleurs. Trois ans plus tard elle sera sa duchesse d’York dans Richard II (Chéreau tenant le rôle titre), en 1973 cela sera le magnifique Toller au TNP de Villeurbanne avant Paris auprès de son ami Roland Bertin et de bien d’autres. Et cela continuera avec Quartett d’Heine Muller jusqu’à Rêve d’automne de Jon Fosse en 2010, spectacle qui tournera partout en Europe. Sans oublier les films: la nourrice de La reine Margot.
Son nom traverse d’autres grandes aventures. Roger Planchon, par exemple, la distribua dans Athalie de Racine, une pièce que le metteur en scène disait être d’agit prop , ou encore Lucian Pintillié dans ses spectacles au Théâtre de la ville (La Mouette de Tchekhov, Jacques ou la soumission de Ionesco, La danse de mort de Strindberg). Elle passera de Gabriel Garran (Henri VIII ) à Claude Régy (Vermeil comme le sang), la même année 1984 elle servira Bruno Boeglin (Ars moriendi, I-temporalia d’Enzo Corman) et Luc Bondy ( Terre étrangère de Schnitzler). On la retrouve aussi auprès de Bernard Sobel (La forêt d’Ostrovski) à Gennevilliers et aux côtés d’Emmanuel Demarcy-Mota lors de ses années à la Comédie de Reims.
Michelle Marquais fut aussi une fidèle actrice des aventures de Théâtre Ouvert auprès de Lucien et Micheline Attoun. C’est là qu’elle signa sa première mise en scène, Transat de Madeleine Laïk. En 1995 elle signera, au Théâtre du Rond-Point, celle des Sept pendus de Léonid Andreiev, un auteur qu’elle avait servi à ses débuts auprès de Pierre Debauche dans Le roi faim. Et puis, l’âge venant et laprès a disparition de son mari le peintre Pierre Lesieur en 2011, elle s’était discrètement éloigné des scènes, restant auprès de ses deux filles, Manuelle et Sarah. Que dire d'autre sinon merci, merci Michelle Marquais.