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Billet de blog 3 juillet 2024

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La parole attrapante de Charles Pennequin

REPRISE. Joachim Latarjet et Sylvain Maurice mangent du Charles Pennequin tous les matins. Pour le remercier de les avoir si bien nourris de ses mots, ils ont eu la bonne idée de lui offrir un spectacle musical des plus appétissants titré « c’est mort- ou presque »

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« Le héros parle. Le héros attrape la parole. Le héros attend pour parler la parole » lit-on dans La ville est un trou de Charles Pennequin. Et deux phrases plus loin : « le héros ne sait pas encore ce qu’il parle. La parole l’attend aussi. Elle attend d’attraper. La parole l’attrape. La parole est attrapante ». Elle est bel et bien «  attrapante » la parole écrite de Charles Pennequin d’autant plus qu’il la parle, la jacte, la lance bel et bien aussi lors de séances radiophoniques ou publiques (et à nous de l’attraper) ou bien il l’enregistre en CD comme c’est le cas du CD joint à La vie est un trou.

Ce texte, l’un des premiers de Charles Pennequin édité par POL en 2007 (après avoir fréquenté des petites maisons d'éditions pionnières comme Al Dante) constitue avec Pamphlet contre la mort (édité en 2012 chez POL) le socle parlant du « spectacle musical » co-signé Joachim Latarjet et Sylvain Maurice. Le second est un metteur en scène fouineur de textes, le premier est un musicien multicarte (présentement trombone, guitare électrique, tuba et baglama) et aussi acteur (co-fondateur de la fameuse compagnie Sentimental bourreau puis co-fondateur de la compagnie Oh!oui). Les deux ont une passion pour Pennequin , moins pour son passé d’ancien gendarme (après avoir verbalisé le péquin, c’est toute sa vie que Pennequin n’a de cesse de verbaliser) que pour ses livres. Il suffit d’en lire un ou d’avoir écouté Pennequin pour être, pris, attrapé, contaminé. Public, méfie toi, tu seras toi aussi « attrapé » et même rattrapé par la parole « attrapante » de Pennequin propagée et enrobée par Joachim Latarjet sous le regard complice de Sylvain Maurice.

Le titre du spectacle C’est mort (ou presque) est évidemment emprunté à Pennequin. Page 98 de  Pamphlet contre la mort on lit ou on entend Pennequin ou Latarjet dire : «  c’est mort ici, ou presque, c’est quasi mort, on n’en a plus pour longtemps, ailleurs c’était moins mort, mais ici, si vous voulez sortir le soir, c’est mort, faut rester chez soi, mais même chez soi c’est mort, la télé est morte, vous sortez dans la télé, vous voulez passer une bonne soirée, mais c’est la télé qui veut passer une bonne soirée, du coup elle dit c’est mort ici... »

La parole file en flux continu de page en page et puis, ça et là, ça va à la ligne en rasades et saccades de mots. Ça remugle, ça s’enroule, s’entortille : « les paroles tordent la vie/ jusqu‘au point où c’est plus respirable/ les paroles font comme un plâtre/ et du coup la vie étouffe/ il faut reprendre la vie/ il faut repasser les paroles/ par l’écrit/ il faut reprendre les paroles et les tordre/ dans l’écrit/ l’écrit est la mort des paroles / mais l’écrit ne tue pas la vie/ la vie progresse/ la vie sort et chante et roule dans l’air/ la vie donne de l’air au sens/ l’air varie, il fluctue/ il épaissit mais s’éparpille aussi / la vie est une chance de parler/ hors des paroles/ la vie est un chant dans l’écrit ». C’est dit. Et écrit Alors Latarjet coulisse son trombone, entre en scène, et attrape la parole écrite et parlante de Charles Pennequin.

Reprise au Théâtre de l'Athénée, là-haut dans la petite et magnifique salle Christian Bérard, du 23 sept au 4 oct à 20h30, relâche les 28 et 29 sept

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