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Billet de blog 3 octobre 2022

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Haïti à l’honneur des Zébrures d’automne

Du grand prix RFI attribué à une pièce de Gäelle bien-Aimé à la création de « L’amour telle une cathédrale ensevelie » de Guy Régis Jr, Haïti était à l’honneur des Zébrures d’automne à Limoges comme beaucoup d’autres contrées de l’espace francophone.

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De l’Opéra, centre névralgique du festival, à, non loin de là, un espace de rencontres et des débats fort d’une superbe librairie francophone, en passant par le théâtre de l’Union, les Zébrures d’automne avaient retrouvé cette aqnnée le centre ville et une visibilité respectable. Tout s’est achevé les deux derniers jours par un passionnant focus Haïti.

D’abord, projeté à la salle de l’Opéra, un film puissant, remarqué à Cannes dans la sélection Un certain regard, Freda, réalisé par Gessica Geneus. Lieu central du film : un pas de porte donnant accès par deux vieux battants de porte à une épicerie tenue par la vieille Jeannette (Fabiola Remy), épicerie devant laquelle est abattu un homme le jour de la fête des morts. On est à Port-au-Prince, ville où la violence est quotidienne.

Un lieu de vie, une famille, miroirs des contradictions haïtienne.

La mère pieuse , tendrement bigote a un fils, Moïse, qui n’a pas inventé la poudre mais, fils oblige, la famille essaie de réunir l’argent pour qu’il poursuive des études supérieures de l’autre côté de la mer . Une fille Esther (Djanaïna François), pragmatique et crédule qui verra ses rêves de princesse bientôt meurtris. Freda ( sa petite sœur), effrontée et vindicative, qui entend rester au pays pour que les choses bougent, et préfère le créole au français « la langue du colon ». Lorsque son amoureux Yeshua lui proposera de l’emmener à Saint Domingue où il travaille, elle refusera de partir, sa place est là, près des siens, dans le bruit et la fureur de Port-au-Prince. Belle héroïne formidablement interprétée par Néhémie Bastien. On suit son itinéraire de fille violée par l’époux de sa mère à la première scène du film. Le film avance par touches , effleure, bifurque, revient, Freda est son guide, sa lumière.

S’ensuivit, toujours sur la scène de l’Opéra, un concert de la pianiste Célimène Daudet. Haïtienne par sa mère, elle n’a eu de cesse de revenir à Haïti et de chercher dans des archives dans des archives ici ou là, las traces de compositeurs haïtiens méconnus voir inconnus du XIXeme siècle à aujourd’hui. Elle nous en a offert un étonnant florilège. Concert suivi un peu plus tard par une table ronde - pas de Zébrures sans table ronde - autour de l’influence occidentale sur la musique et la littérature d’Haïti, sujet sans fond. Enfin, tard dans la soirée le DJ haïtien Gardy Giraut créa une ambiance à tout danser.

Quelques jours auparavant, le prix RFI théâtre, présidé par Odile Sankara, avait été attribué, parmi onze prétendant.e.s, à Gaëlle Bien-Aimé pour son texte Port-au-Prince et sa douce nuit. Un titre ironique mais pas seulement : la sensualité innerve le texte de bout en bout. Premières répliques « Viens te coucher «  dit Zily à Férah qui ne répond pas, épuisé sans doute par ses nuits blanches passées à l’hôpital où il faut face à des cas difficiles .« J’ai envie de jouir » insiste Zily. On ne sortira pas de la chambre de cette maison à pacot dans la nuit de Port-au-Prince . La pièce est dédiée « A Reji qui accompagne mes nuits ». Zily à son amant : «  Je ne peux pas commander mes émotions. Et juste parce que tu me le demandes faire taire tous mes cris. /Mais on aura beau gueuler personne ne viendra nous secourir/ Dans cette ville pied nu/ Dans son tumulte/ Dans son acharnement/ je voudrais fermer les yeux sur le mal qui nous terrasse/ Port-au-Prince ne nous laisse aucun répit ». Gaëlle Bien-Aimé est aussi actrice et signe de caustiques stand-ups en créole sur l’actualité de l’île qui font plier de rire tous les haïtiens.

C’est aussi aux Zébrures d’Automne qu’a été fêté les deux volumes des Nouvelles dramaturgie d’Haïti » aux éditions Chamen réunissant douze jeunes auteurs et autrices (dont Gaëlle Bien-aimé) . « Aucun des dramaturges n’a encore deux fois vingt ans » précise le jeune patriarche Guy Régis Jr dans sa préface, une opération dont le fédérateur Festival des quatre chemins qu’il dirige à Port-au-Prince a été le moteur..

Enfin , au dernier soir, sur la grande scène du Théâtre de l’Union a a été créé L’amour telle une cathédrale ensevelie, un opéra-théâtre écrit et mis en scène par Guy Régis Jr, une œuvre puissante. N’en disons rien, on en rendra compte lorsque spectacle viendra au théâtre de la Tempête cet automne. .

Si Guy Régis jr, circule entre le français et le créole haïtien à la ville comme à la scène , c’est en créole réunionnais que Nelly Cazal, seule en scène, dernière un cercle de galets et accompagnée par deux musiciens (Serge Ferrero et Jérôme Cury) nous a emportés loin avec Vavangaz Ti Katorz. Elle y raconte l’histoire d’une femme surnommée Ti Katorz, une vagabonde célèbre dans l’île. Tout en créole et sans sous-titres. On ne comprenait rien, on comprenait tout. Une autre belle découverte des Zébrures d’automne.

Les Zébrures d’automne, temps fort des Francophonies se sont déroulées du 20 sept au 1er oct.

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