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Billet de blog 3 nov. 2015

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Ça ne fait pas un pli, il faut compter avec la compagnie Théâtre déplié

Où allons-nous ? Quelles seront les conséquences de telle décision prise ou de telle autre sans cesse différée ? De quel futur Hiroshima sont-elles le nom ? Autant de questions qui traversent « Récits des événements futurs », le nouveau spectacle de la compagnie Théâtre déplié, dont la précédente création, « Le Pas de Bême », ouvrait de belles pistes (il sera en tournée en 2016).

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Illustration 1
© Kim Lan Nguyen Thi

Déplier le jeu de l’acteur

Les deux spectacles mis en scène, comme tous ceux de la compagnie, par Adrien Béal sont de factures fort différentes mais, dans les deux cas, le travail de l’acteur est central et son rôle moteur dans l’exploration de la complexité des rapports humains à partir d’une situation donnée. Un travail qui allie documents de travail (pièces, faits divers, essais) et improvisations.

Dans Le Pas de Bême, tout tournait autour d’un élève qui rendait des copies blanches non par ignorance mais par volonté et, par là même, provoquait le naufrage des certitudes de différents ordres établis (école, famille). On retrouve ce mouvement de déséquilibre et cette façon de le déplier dans Récits des événements futurs, à travers différentes situations qui se croisent ou pas. Et, comme dans le précédent spectacle, les acteurs passent d’un rôle à l’autre, instaurant plusieurs fois un jeu de leurre ou un début de quiproquo avec le spectateur. La manière de la bien nommée compagnie Théâtre déplié de s’affirmer en se dépliant.

Un homme, peu sûr de lui, va consulter un devin et les prédictions de ce dernier, au sens incertain, vont bouleverser sa vie. Une femme, tard le soir, ne peut pas quitter des yeux sa voisine d’en face qui, penchée sur sa télévision des heures durant, ne bouge pas. Elle la croit morte. L’est-elle vraiment ou projette-t-elle son angoisse de vivre au fil de cette nuit insomniaque dont elle fait le récit halluciné à son fils à l’heure du petit-déjeuner ? Un autre récit, inspiré librement d’une situation puisée chez Ibsen, dissèque les relations compliquées, sur fond d’éthique, de responsabilité et de passif familial, entre deux frères travaillant dans la même société gérant les eaux d’une ville dont l’économie repose sur cet établissement de bains. De la catastrophe domestique, à celle de la cité ou celle de l’humanité (on y vient), il n’y  a qu’une question d’échelle.

Plein pot, illico

Le décor spartiate se résume à l’angle d’une pièce quasi abstraite avec tables, chaises et, sur le côté, un banc d’attente où se posent les acteurs quand ils ne participent pas à la séquence ou quand ils ne sortent pas par l’unique porte (étroite, comme il se doit). Un espace quelque peu fantasmatique qui met en évidence le vivant : le corps des acteurs. Tout se passe en intérieur (cuisine, salon, bureau, chambre ; autant d’espaces que rien ou presque ne caractérise) avec de subtiles correspondances entre les personnages que porte un même acteur.  

Si le travail théâtral est étayé par de nombreuses lectures et discussions, si le texte est structuré, reste à l’heure de la rencontre avec le public une part d’improvisation qui, dans sa fragilité même et dans sa part d’imprévisibilité, accentue l’intensité de la séquence qui repose pour l’essentiel sur le jeu. A peine en piste, tous les acteurs sont en puissance maximum.

On a vu Benoît Carré dans les trois dernières créations de Sylvain Creuzevault. Lionel Gonzales jouait dans Le Père Tralalère et Notre terreur avant de quitter Creuzevault pour travailler avec Anatoli Vassiliev et on l’a vu dans le dernier spectacle de Jeanne Candel. Bénédicte Cerutti, sortie de l’école du TNS, a beaucoup joué dans les spectacles de Stéphane Braunschweig et sa route a déjà croisé celle d’Adrien Béal. Charlotte Corman, sortie du Conservatoire, a joué dans plusieurs spectacles de Jeanne Candel et on l’a retrouvée dans Le Pas de Bême. Enfin, Zoumana Meïté a fondé avec Daniel Farjon l’étonnante compagnie Légendes urbaines (lire ici).   

Une longue séquence tourne autour du pilote de l’avion qui largua la bombe d’Hiroshima et de la correspondance qu’il entretint avec le philosophe Günther Anders (mort à Vienne en 1992). Ce dernier n’est pas nommé dans le spectacle mais Adrien Béal, sa collaboratrice Fanny Descazeaux et les acteurs l’ont lu et relu au cours du travail (il est sous-jacent à plusieurs séquences) allant jusqu’à le citer dans le programme de salle. En particulier L’Obsolescence de l’homme, dont le tome II est paru en traduction il y a quelques années.

Théâtre de l’Echangeur de Bagnolet, du lun au sam 20h30 (sf le mer 4), dim 17h, jusqu’au 7 nov ; Théâtre du Garde-chasse aux Lilas, le 21 nov ; Tandem Douai-Arras, les 24 et 25 nov ; Théâtre de Vanves, les 27 et 28 nov.      

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