jean-pierre thibaudat (avatar)

jean-pierre thibaudat

journaliste, écrivain, conseiller artistique

Abonné·e de Mediapart

1406 Billets

0 Édition

Billet de blog 4 décembre 2024

jean-pierre thibaudat (avatar)

jean-pierre thibaudat

journaliste, écrivain, conseiller artistique

Abonné·e de Mediapart

Le « Marius » de Pommerat nous caresse le coeur

REPRISE. S’inspirant de Pagnol tout en gommant ses pagnolades, dans « Marius » JoëL Pommerat serre à l’extrême le jeu des acteurs, trois d’entre deux étant d’ anciens détenus de longue durée. Un spectacle qui bouleverse par sa magnifique retenue.

jean-pierre thibaudat (avatar)

jean-pierre thibaudat

journaliste, écrivain, conseiller artistique

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Scène de "Marius" © Agathe Pommerat

Un jour, un livre racontera l’histoire d’amour entre les gens de théâtre et les détenus des prisons françaises surpeuplées. D’Amand Gatti à Olivier Py et bien d’autres, connus ou méconnus, la liste est longue et Joël Pommerat n’est pas le dernier. Une activité discrète, forcément (on n’entre pas dans une prison comme dans un supermarché) , le plus souvent au long cours et dont les effets bénéfiques -des chemins de la consolation aux voies de la réinsertion-, sont difficilement quantifiables.

Parfois l’histoire se prolonge et se finit comme dans un conte qui finit bien. C’est le cas de ce qui s’est noué autour de Marius, le nouveau spectacle de Joël Pommerat, «largement inspiré de la pièce Marius de Marcel Pagnol » et réalisé « en collaboration avec Caroline Guiela Nguyen et Jean Ruini ». Ce dernier a longtemps été détenu dans les prisons marseillaises. En prison, il a suivi un stage intensif sur la production visuelle, réalisé des courts métrages, écrit en 2014 Désordre d’un futur passé, texte que Pommerat l’aidera à mettre en scène en complicité avec Caroline Guiela N’Guyen, alors future directrice du TNS et que Ruimi retrouvera par la suite. Entre temps, il aura été César dans Marius (rôle interprété par Raimu dans le film de Pagnol en 1931) en 2017 à la Maison centrale d’Arles puis en 2019 à la prison des Baumettes de Marseille et aujourd’hui à la MC93 avant une longue tournée.

Jean Ruimi joue aujourd’hui dans plusieurs spectacles de Pommerat et ce dernier a tenu sa promesse ; remettre le couvert de Marius après sa libération et celle de ses camarades. Il y retrouve, deux anciens détenus : Michel Galera qui tient le rôle titre (interprété dans le film de Pagnol par Pierre Fresnay) et qui, il y a dix ans, avait rejoint la troupe de l’atelier théâtre de la maison centrale d’Arles , il en va de même pour Ange Melenyk qu tient le rôle d’Escartefigue. Bernard Traversa (Panisse) a rejoint la compagnie Louis Brouillard de Pommerat en 2016, quant à Élise Douyère qui interprète le rôle de Fanny, on l’a souvent vue dans les spectacles de Simon Falguières ce qui ne l’empêche pas de poursuivre son travail de comédienne dans divers projets à la Maison centrale d’Arles auprès de Pommerat.

L’auteur-metteur en scène et âme de la compagnie Louis Brouillard s’éloigne du texte de Pagnol et de ses répliques légendaires ainsi que du jeu affirmé voire ostentatoire des acteurs à commencer par Raimu. Cependant, Pommerat reprend le scénario du film en le déplaçant légèrement ; Octave et son fils Marius ne tiennent plus un bar mais une boulangerie avec coin café, Fanny ne vend plus des coquillages mais travaille dans le salon de coiffure de sa mère. Marius et elle s’aiment en secret depuis l’enfance, le mariage se profile, mais chez Marius l’attrait du voyage est le plus fort, il part, Fanny cède aux avances d’un vieux soupirant. Pommerat a écrit son texte suite à un travail d'improvisation dirigée avec les acteurs. Une méthode dont il est passé maître et dont la discrète efficacité passe par la durée : plus d’un an et demi de travail.

Dans l’espace unique de la boulangerie -où les clients se font plus que rares- les dialogues se succèdent entre Fanny et Marius, entre Marius et son père, entre ce dernier et ses partenaires aux cartes, entre Fanny et son vieux soupirant. Pas d’éclats, pas de portes qui claquent (d’ailleurs il n’y a pas de porte), par d’effets. Les larmes restent retenues, l’expression s’arrête à la porte des corps. pas de jeu aux gestes et aux phrasées intempestifs, pas d’accent marseillais ostentatoire. Juste, chez les uns et les autres, un affleurement des sentiments. La pudeur Pommerat dans sa splendeur..

Créé ) la Coursive de la Rochelle en mars 2024, après une longue tournée,  le spectacle Marius revient une nouvelle fois au théâtre du Rond Point du 18 au 28 sept 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.