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« Voilà l’hiver. Une brume fine tout autour de nous. Et le jardin plus dessiné qu’en aucune saison, avec quelques roses à la pointe de leurs arbustes, et l’étroit massif de chrysanthèmes chancelant contre la charmille rouge » écrivait Jacques Copeau dans sa chambre à Pernand Vergelesses le 5 décembre 1930 (il y a donc 95 ans jour pour jour) , des mots que l’on peut lire aujourd’hui dans son Journal. En s’y installant six ans plus tôt, Jacques Copeau fit entrer le théâtre en Bourgogne. C’est là que se formèrent « les Copiaus » comme les appelaient les paysans de la région, acteurs et artisans de bien des spectacles.
Avant ces riches années bourguignonnes, il y avait eu à Paris la formidable aventure innovante du Théâtre du Vieux-Colombier autour de Copeau, de ses amis de la nrf et d’une troupe exceptionnelle où figuraient Charles Dullin et Louis Jouvet avant que ces derniers ne tracent leur propre chemin. En 1917, Clémenceau demanda à Copeau de transporter le Vieux-Colombier à New York. La troupe y resta deux ans.
Quelques années plus tard, à Paris, Copeau éprouve bientôt une lassitude et l’envie de quitter la capitale grandit. L’échec d’un spectacle, La maison natale (qui avait pourtant enthousiasmé Antonin Artaud), précipita la fermeture du Vieux-Colombier et la décision de Copeau de partir en province.
Son choix se porte sur la Bourgogne et une belle maison près de Beaune, au milieu des vignes, à Pernand-Vergelesses. Une nouvelle aventure commence en 1924, celle de Copeau et des « Copiaus » comme les surnommèrent les habitants du village. Copeau-que toute le monde nomme « le patron »- s’y installe avec sa famille, ses proches collaborateurs et bon nombre de comédiens du Vieux-Colombier, une trentaine de personnes. Sa fille Marie-Hélène, élève à l’école Vieux Colombier, épousera à l’église du village le copiau Jean Dasté . Ils auront une fille, Catherine Dasté (pionnière du théâtre pour le jeune public) qui héritera bien plus tard de la maison. L’aventure des Copiaus durera jusqu’au début des années trente. Elle engendrera bien d’autres aventures comme celle de la Comédie de Saint Etienne. Et puis Copeau revint à Paris pour diriger la Comédie-Française avant de s’éteindre en 1949, non loin de Pernand, à Beaune.
Il y a quelques années, après y avoir créé plus d’un spectacles, lasse d’alerter les pouvoirs publics, la profession, la presse et ne pouvant pas, sur ses maigres deniers, financer l’entretien et les travaux dont la maison de Pernand avait besoin, Catherine Dasté, acculée, songeait à vendre. Cette maison légendaire du théâtre allait-elle sortir de son giron ? C’est alors que surgit le miracle.
Jean-Louis Hourdin qui, à la mort de son père, venait d’hériter d’ une belle somme, ne savait trop que faire de cet argent, lui qui avait toujours vécu modestement tout en exerçant magnifiquement son métier de comédien et de chef de troupe. Alors, avec la bénédiction de son ami l’acteur François Chattot, il acheta la maison de Copeau en 2004 et, des années plus tard, en 2021, l’offrit à l’association Maison Jacques Copeau créée entre temps et très active.
Entre 2023 et 2025, 356 artistes ont été accueillis, 92 équipes, une cinquantaine de stages de formation, etc. Depuis 2001 a commencé une compagnonnage avec Cyril Test et le collectif MxM . Enfin, depuis 2022, une première convention pluriannuelle d’objectifs avec la DRAC et le conseil régional de Bourgogne-Franche Comté a été signée.
L’avenir est prometteur mais la maison a bien des bobos. Elle a la rate qui se dilate, le foie qui va pas, les genoux en compote, le toit qu’est pas droit, etc. En 2025, un ample projet de réhabilitation de la maison et du domaine a été lancé pour mieux accueillir des équipes résidentes, des visiteurs, et améliorer l’outil de travail théâtral. Les subventions et les aides sont importantes mais ne suffisent pas à financer entièrement le chantier afin que la maison de Copeau à Pernand-Vergelesses, ce lieu de mémoire, continue d’être un lieu de création et de transmission. Un lieu de vie. Pernand a besoin de vous.
Lors de cette soirée au Vieux-Colombier accueillie par la Comédie-Française, une belle brochette d’actrices et d’acteurs dirent des textes de Copeau et Thierry Hantisse chanta des chansons bourguignonnes sous le regard de Catherine Dasté assise dans les premiers rangs..Une belle soirée où l’on vit plus d’un spectateur remplir une fiche pour faire un don, au demeurant défiscalisé.
Pour faire un don: envoyez à la maison Jacques Copeau, 4 rue Jacques Copeau, 21420 Pernand-Vergelesses vos nom, courriel, téléphone, adresse postale, chèque ou virement (IBAN FR 76 1080 7002 7882 5217 3559 564) et vous recevrez par courriel le reçu fiscal correspondant à votre don.
A lire le Journal de Jacques Copeau, deux volumes, collection Pour Mémoire, Seghers. Le Journal de bord des Copiaus, Seghers, les volumes des Registres du Vieux-Colombier chez Gallimard.