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Billet de blog 5 juin 2025

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Calvet sans Blandine Masson, France Culture sans sa voix

France Culture va retrouver le musée Calvet au prochain festival d’Avignon. Mais sans Blandine Masson, l’ âme de tant de soirées inoubliables. Après vingt ans passés à diriger et développer le service fiction de la chaîne, on la pousse à la porte. Fin d’une époque.

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Illustration 1
Blandine Masson dans la cour du musée Calvet à Avignon © dr

Lors du prochain Festival d’Avignon France Culture reviendra occuper la cour du musée Calvet mais sans Blandine Masson . Après en avait été l’initiatrice, elle fut, des années durant, l’âme de ces soirées du service fiction de France Culture au musée Calvet, entourée de réalisateurs, de collaborateurs et de techniciens complices. Sa silhouette fine, toujours en alerte, s’adressait au public, avec sa voix merveilleusement voilée, pour lui annoncer le riche menu du jour. Car il y en eu des soirées inoubliables autour de textes inédits ou fameux, servis par d’inoubliables actrices et acteurs, souvent accompagnés de musiciens.

Calvet constituait la partie visible de l’activité de Blandine Masson qui se déroulait habituellement dans l’invisibilité de son bureau à la maison de la radio. Cependant, à l’antenne, chaque fin de semaine, on retrouvait sa voix caressante. Ce bureau débordait de livres, et on aimait y retrouver son sourire. Une pièce désormais hantée par son absence. Après vingt ans d’activité intense, Blandine Masson a dû quitter, de guerre lasse, la direction de la fiction à France-Culture .

« L’histoire s’arrête là car je n’ai pas de successeur, ni successeuse » disait elle l’autre soir auprès de ses nombreux amis (auteurs, acteurs, collaborateurs, etc.) venus lui rendre hommage dans les jardins de la SACD. Son départ et la part d’inconnu que cela entraîne, signent ce qu’elle a nommé, avec raison, la « fin d’une époque ». 

« Impossible de raconter vingt ans d’émerveillement dans les studios, hors des studios, au musée Calvet , sur le plateau du studio 104, sur les scènes des théâtres » poursuivait-elle l’autre soir à la SACD. Elle a tout de même raconté. « Il y avait un mantra à France Culture, c’était celui de la porte ouverte. J’ai adoré cela. Toutes ces nouvelles formes, toutes les idées sont venues de cette porte ouverte et des discussions improvisées avec les réalisateurs et réalisatrices sans rendez-vous prémédité et qui se prolongeaient souvent tard le soir. Le vent de l’éventuel a toujours soufflé dans les couloirs de la fictions » se souvenait-elle, non sans émotion.

Entre 2010 et 2023, quinze réalisateurs.trices ont été agréés, « ce n’était pas arrivé depuis les années 50 » . Vieil et bel héritage, le Bureau de lecture surnommé naguère le «burdel » par Philippe Garbit et Alain Trutat et dont Gorges Perec avait été le premier animateur, a été maintenu et développé durant ces vingt années. Des centaines de pièces et feuilletons ont été mis en voix et en onde, des textes signés par des plumes inconnues, connues ou méconnues y ont été lus, avant d’être retenus et devenir ainsi une « fiction de France Culture ». Voix aimées et reconnaissables des aîné.e.s et voix des jeunes sortis des écoles de théâtre s’y côtoyaient.

Chaque juillet à Avignon, le « théâtre des ondes » du musée Calvet était « un point d’orgue » avec, non des ombres derrière un transistor ou un téléphone portable, mais un public. « Il y avait enfin des visages et des corps face à nous, et des planches pour nos créations ».

Alors Blandine a remercié tous ceux qui ont jalonné son beau chemin. Certains sont morts, d’autres retirés des sunlights ou chérissant les ombres, bon nombre, toutes générations confondues, étaient là venus pour la saluer, lui dire merci et la serrer dans leurs bras. « Ce que j’ai toujours aimé avec la radio c’est que les morts et les vivants ont exactement la même présence. Au fond, c’est une forme d’éternité rassurante » a-t-elle conclu. Merci Blandine .

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