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Pascal Rambert aime écrire pour des acteurs et des actrices qu’il aime, connaît plus ou moins bien, qui l’inspirent et dont les personnages portent le prénom de celles et ceux qui les interprètent. C’est une fois de plus le cas pour sa dernière pièce Les conséquences qui relate en quatre parties deux mariages et deux enterrements.
Il y a donc Jacques (Weber) le vieux père marié à Marilu (Marini, laquelle fait son entrée dans la famille des personnages rambertiens ), ils ont eu trois filles, l’aînée, l absente et malade des nerfs dont on ne parle pas, Anne (Brochet) mariée avec Arthur (Nauziciel) , diplomate, et Audrey (Bonnet) qui vit avec Stan (islas Nordey) depuis longtemps -on se souvient que leur histoire impossible constituait le sujet de Clôture de l’amour, (à laquelle cette nouvelle pièce fait implicitement référence) sans doute la meilleure pièce de Pascal Rambert et assurément la plus connue de cet auteur prolifique, une pièce traduite en une multitude de langues.
Stan et Audrey ont une fille Jisca (Kalvanda) qui durant le spectacle se mariera avec Paul (Fougère) et, après avoir été aux Jeunesses socialistes, finira assistante parlementaire d’un député de droite, « tout le monde finira par être de droite en vieillissant autant l’être jeune, ça évite de perdre du temps » dit-elle. Il y a encore Laurent (Sauvage), un protégée de Marilu qui a fait de la prison pour avoir tiré sur un « blaireau » d’extrême droite rue Bernard Palissy, devant le siège des éditions de Minuit, arrêté, il a fait de la prison, aujourd’hui sorti, vit une histoire d’amour avec Audrey ce que Stan, improbable préfet de Corrèze, découvrira tardivement en explorant le portable de sa compagne. Et puis encore la jeune Lena (Garrel), nièce de Marilu, qui épousera au cours de la soirée la jeune Mathilde (Viseux) .
Tout se passe dans un non lieu, une sorte d’antichambre en attendant la cérémonie (ici mariage, là enterrement). La pièce commence par l’enterrement de la vieille mère de Jacques, plus que centenaire. « On a perdu ta mère » dit Marilu (c’est la seule réplique drôle de la pièce) en parlant non du corps mais de la couronne mortuaire. Curieux personnage que cette morte née en 1919, tondue à la Libération, qui fera carrière à l’Académie française (on peut avait été collabo et être à l’Académie comme l’ont montré les livres de Gisèle Sapiro ou le récent Les écrivains collaborateurs de Tristan Rouquet aux Éditions du CNRS). La mère de Jacques sera curieusement connue pour avoir travaillé sur le traces d’antisémitisme dans l’œuvre d’Heidegger. « Une femme de droite » conclut Stan. Son fils Jacques lira un discours pour honorer sa mère, disant, en toute immodestie, « ce n’est pas le linguiste, le psychiatre ou l’homme politique mais ton fils unique qui l’écrit en tant que député -maire et médecin ». La scène finale de cette première partie, lourdement et maladroitement empruntée à Tchekhov montre le vieux Jacques (Weber) se prendre pour le Firs dans la scène finale de la Cerisaie de Tchekhov. Lui qui ne va jamais au théâtre a tout de même vu (comme Rambert) le bouleversant Jean-Paul Roussillon (qui irradiait dans Les Parisiens de Rambert donné sur l’île de la Barthelasse il y a longtemps au Festival d’Avignon ) interpréter ce personnage dans la mise en scène d’Alain Françon. La référence à Roussillon est belle mais la scène, reste aussi lourde qu’artificielle.
La seconde partie voit le mariage de Jisca et Paul, la troisième l’enterrement de la sœur aînée d’Anne et d’Audrey ( suicide en se jetant par la fenêtre du bureau de Jacques, son père) et la quatrième et dernière partie de la pièce s’articule autour du mariage des jeunes Mathilde et Lena qui attendent un enfant.
Rambert retrouve des actrices et des acteurs aimés et aime à les voir vieillir sur le plateau, spectacle après spectacle, c’est particulièrement vrai pour Stan, Audrey, Arthur dont les rôles sont bien développés et formidablement joués tout comme ceux de Jacques avec une stature de patriarche et de Laurent, attrayante mouche du coche. « Peut-être parce que moi-même j’ai vieilli avec eux et que ce qui me plaît uniquement désormais avec le temps qui passe, c’est parler de nos actes et de leurs conséquences. Sans morale. Sans surplomb. Sans jugement.» dit Rambert. Soit. Mais cela reste en surface, un effleurement. Rambert semble vouloir sortir des longues tirades qui ont souvent fait le socle -et le succès- de son écriture -et il y a ici de beaux restes- mais il peine à trouver le change. Alors Rambert fait du Rambert comme d’autres font du tricot, il tricote les mots comme ils viennent, les mailles sont souvent trop relâchées mais cela fait tout de même un paletot pour passer l’hiver. Cela tient chaud.
Les conséquences est le premier volet d’une trilogie. Suivront dans les années qui viennent « Les émotions » et « La bonté ». Avec les mêmes actrices et acteurs. Infatigable et boulimique Pascal !
La pièce a été créée au TNB, elle est à l’affiche du Théâtre de la ville dans le cadre du Festival d’automne jusqu’au 15 nov. Puis du 2 au 4 déc à Bonlieu (Annecy) et du 17 au 19 déc au CDN de Nice. Le texte de la pièce est publié chez l’éditeur habituel de Rambert, Les solitaires intempestifs.