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Dans l’indépassable Shakespeare notre contemporain, le Polonais Jan Kott écrit : « Le sang, dans Macbeth, n’est pas seulement une allégorie ; il est matériel, physique, il coule des corps massacrés. Il se dépose sur les visages et les mains, sur le stylets et les épées. Mais ce sang ne saurait être lavé, ni des mains, ni des visages, ni des stylets. Macbeth commence et s’achève par un carnage ». Il en va ainsi de bout en bout dans le Makbeth du Munstrum théâtre, adaptation librement échevelée de la pièce de Shakespeare. Dans son non moins indépassable ouvrage Le proche et le lointain consacré à Shakespeare et au théâtre élisabéthain, Richard Marientras consacre onze pages à « l’image du sang » dans Macbeth.
Jan Kott poursuit : « Les scènes, pour la plupart, se déroulent pendant la nuit. A toutes les heures de la nuit : tard dans la soirée, à minuit et à la blême lueur de l’aube. La nuit est constamment présente, sans cesse et obstinément rappelée et appelée dans les métaphores (de la pièce) ». Et il en va ainsi aussi tout au long de Makbeth, masques et gags à l’appui. Entre la nuit et le sang il y a les meurtres, Kott y voit le thème premier de la pièce de Shakespeare, c’est aussi un thème récurrent du spectacle du Munstrum qui le retourne dans tous les sens. « L’histoire y est ramenée à sa forme la plus simple, à une seule image, à un seul partage : entre ceux qui tuent et ceux qui sont tués » poursuit Kott, le premier de ces meurtres « par lequel commence l’histoire , est l’assassinat du roi. Ensuite, eh bien, il faut tuer ». » Dans Makbeth on tue à tour de bras. Du début à la fin. C’est du brutal et c’est un festival d’inventivités joyeuses.
Dès lors, les sorcières qui ouvraient le bal sont remisées en coulisses où elles tapent du pied. Dès lors la forêt ne marche plus toute seule puisqu’il n’y a plus d’arbres et que tout est noir, calciné, Lucas Samain signe le texte de de cette traduction-adaptation en collaboration avec Louis Arène qui signe la mise en scène. Arène est l’un deux fondateurs du Munstrum théâtre, l’autre c’est Lionel Lingelser. Les deux sont sur le plateau en compagnie de Sophie Botte Olivia Dalric et François Praud (présent.e. s depuis le début de l’aventure du Munstrum), Delphine Cottu (qui a rejoint la compagnie lors de l’inoubliable Clownstrum), Anthony Martine (nouvelle recrue) et Erwan Tarlet (qui a rejoint la compagnie en 2021). Ça dépote, ça déménage, ça n’arrête pas.
« Comment ne pas reconnaître dans l’ensauvagement des conflits mondiaux actuel l’escalade meurtrière du héros shakespearien ? » avance Louis Arène. En matière d’escalade meurtrière et sauvage, du premier ministre d’Israël au président de la Russie, on a le choix. Au théâtre, les morts se lèvent pour venir saluer et dans Makbeth ça se bouscule au portillon.
Spectatrices, les sorcières de la pièce s’inclinent devant la prestation du Munstrum. Tenues de rester en coulisses, en vieilles spécialistes de l’épouvante nocturne et des nerfs à vif, elles apprécient la performance.
Créé à Chateauvallon en février, le spectacle poursuit sa tournée au Théâtre Public de Montreuil jusqu’au 15 mai puis les 22 et 23 mai à La Filature de Mulhouse et du 10 au 13 juin au Théâtre du Nord de Lille. D’autres dates suivront dont à Paris le Théâtre du Rond Point cet automne.