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Billet de blog 6 décembre 2015

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David Lescot victime du réchauffement climatique

Faire un spectacle sur les enjeux de la COP21, telle était l‘ambition noble de David Lescot. Pas simple. Son spectacle « Les Glaciers grondants » est, comme souvent ce genre de sommet mondial, rabaissé par trop de compromis.

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Une journaliste d’un hebdo, un an avant la COP 21, demande à 52 artistes (autant que de semaines dans l’année) de donner leur avis écrit sur l’importance que représente, pour eux, un tel sommet.  Elle s’adresse donc à David Lescot ouplutôt à son double (un écrivain), lequel négocie le fait de voir paraître son opinion quelques jours avant le sommet, ce qui lui laisse le temps de s’informer car, pour l’heure, il n’a aucun avis sur le sujet et surtout aucune connaissance. Ce laps de temps, c’est le temps du spectacle.

Des chiffres et des courbes

Tel est le point de départ de la pièce écrite par David Lescot, Les Glaciers grondants, une pièce qu’en tant que citoyen responsable, il semble s’être auto-commandé, cependant le spectacle est présenté « dans le cadre de ARTCOP21 ».

Il y a là, dans les milliers de dossiers, conférences et études préparatoires à la COP21 une belle base de départ, laquelle, un certain temps, tient ses promesses. On voit le héros se dépatouiller avec le sujet, s’informer. C’est un machin plein de chiffres, de courbes, de statistiques, de données scientifiques, de spécialistes comme ce ponte à qui le héros envoie un mail pour obtenir un rendez-vous. Il est toujours passionnant de voir le théâtre se saisir de domaines largements abstraits qui, a priori, ne sont pas son genre, comme aurait dit Proust.

On imagine ce que pourrait faire une équipe comme celle des Estoniens du Groupe N°99 travaillant sur un tel sujet de façon collective et en ne ménageant pas les improvisations. Mais Lescot est seul devant sa table d’écrivain de théâtre. Il a beau penser au plateau, à des acteurs, au musicien qu’il est aussi ou à tel circassien ou tel danseur,  très vite il botte en touche.

Il cherche à se rassurer et à amadouer le spectateur avec deux paramètres qui vont prendre beaucoup de place : une histoire d’amour et Le Conte d’hiver de Shakespeare. Comme s’il était victime des lobbies de théâtreux qui feraient pression pour vendre leur camelote. Il est sous pression, David Lescot, il cède. Pire, il tombe dans une ornière : le discours sur le sujet adressé au public.

Un peu de tout

Il y a bien des tentatives biaisées comme cette incursion de Hollande et Merkel via des masques, mais cela tourne court. Et l’irruption de Ségolène Royal, habitués que nous sommes à son personnage dans les Guignols,  ne vaut guère mieux. La pièce et le spectacle auraient gagné à affronter la bête des rapports abscons et jargonneux, à parcourir jusqu’à l’ivresse la litanie des promesses et des engagements bafoués, etc.

David Lescot fait ce qu’il aime faire, parfois avec bonheur : il papillonne. Un peu de danse, un peu de zizique, un peu de chansons, un peu de Shakespeare, un peu de cirque, un peu de clins d’œil, un peu de tout.  Lescot est un touche-à-tout. C’est  sa force, c’est aussi sa faiblesse.

Dans le métro, en allant au Théâtre des Abbesses, le soir de la première, je lisais dans Le Monde (daté du 5 décembre) un article formidable sur les « crochets » et les « options » qui parsèment la rédaction des projets d’accord de la COP 21. Formidables, ces crochets. Ils notent les formulations possibles.  Or elles sont multiples. « Il faut faire un grand effort de lecture pour saisir l’énormité et la complexité du travail de négociations », notent les deux journalistes Rémi Barroux et Stéphane Foucart. Et ils citent longuement un exemple de projet d’accord. C’est illisible. On se croirait chez Raymond Devos tant l’absurde y est gigantesque.

C’est ce qui manque au spectacle de Lescot : l’audace, la persévérance, la folie. L’auteur-metteur en scène aurait dû s’étourdir à mort dans sa matière, en jouir, il le fait parfois, mais trop peu, trop rarement. Malgré sa volonté de plaire (danses, chansons), le spectacle manque de relief.  Les Glaciers grondants ne grondent pas, ils fondent au soleil des projecteurs.  Et pourtant, Lescot s’est bien entouré, une équipe pleine d'entrain, avec l’actrice Anne Benoît (sous-employée) ou le danseur DeLaVallet Bidiefono, pour ne citer qu’eux. Dommage.

Théâtre des Abbesses, jusqu’au 18 décembre. Le spectacle créé à la Filature de Mulhouse poursuit ensuite sa tournée à Gap (12 janvier) et Saint-Etienne  (11 au 13 mai).

Le texte de la pièce est paru aux éditions Actes Sud-Papiers

Toujours autour de la COP21 : extraits de Cent ans dans les champs d'Hélène Mathon et Benoit di Marco à la Maison de la poésie, ce mardi 8 à 19h ; un spectacle jeune public (4-9ans), Eco, éco, écogestes par la compagnie Boss' Kapok (Cité des sciences et de l'industrie de la Villette les 10 et 11 déc à 11h) et au 104, la ZAC (Zone d'action climat), jusqu'au 11 déc. Voir le site http://coalitionclimat21.org/, etc.

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