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Billet de blog 7 juillet 2025

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« Le canard sauvage » : pères, un père et manque

Festival d’Avignon. En mettant en scène une nouvelle fois une pièce d’Ibsen, « Ce canard sauvage » le metteur en scène Thomas Ostermeier, directeur de la Schaubühne de Berlin depuis longtemps, adapte quelque peu la pièce et la confie à des acteurs et des actrices de la troupe berlinoise peu ou pas connus en France, une troupe toujours aussi talentueuse.

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Illustration 1
« Le canard sauvage » scène © Christophe Raynaud de Lage

Ibsen connaissait-il l’expression « faire un canard » consistant à tremper un sucre dans du café ou du pousse-café ? L’expression, populaire en particulier dans le Nord de la France, s’est-elle propagé plus au Nord jusqu’en Scandinavie. On peut en douter. Le canard de la pièce n’est pas en sucre mais couvert de plumes fatiguées, moribond, repêche au fond d’un lac par le chien de Werle puis abandonné au vieux Ekdal. Avant d’être abattu, le volatile menait une vie sauvage. Et le voici reclus, plus mort que vif, blessé comme quasi tous les personnages de la pièce.

Le vieux et riche négociant Werle qui voit son fils Gregers s’éloigner de lui jusqu’à la rupture. Le vieux Ekdal qui porte toujours orgueilleusement son habit de lieutenant bien qu’il ait été déchu de ce titre suite à une affaire frauduleuse où il a porté le chapeau et où était impliqué Werle. Le fils du vieux Ekdal, Hjalmar qui vit chichement de la photographie avec son épouse Gina et aime éperdument sa fille Hedvig, quatorze ans, toute en poursuivant le rêve chimérique d’une invention,. Le médecin Relling veille sur la santé des uns et des autres et sait que Werle va petit à petit devenir aveugle. Il sait aussi que les yeux d'Hedvig ne sont pas sans problème.

Un secret se cache sous ce tableau et va apparaître en filigrane à travers une lettre dans laquelle le vieux Werle lègue une pension au vieux Ekdal et surtout à une rente à vie à Hedvig ce qui va entraîner la fureur et le rejet de son « père » Hjalmar, ce dernier doutant désormais de l’être comme so, épouse lui laissera entendre. Avant d’arranger le mariage entre Hjalmar et Gina, cette dernière avait été quelque temps la maîtresse de Werle et il se peut, il est probable que Hedvig soit sa fille. Fureur sans retour d’Hjalmar qui répudie épouse et fille, malgré les conseils du médecin et de Gregers. Hedvig, déboussolée, se réfugie dans le jardin imaginaire que partage celui qu’elle n’a jamais appelé autrement que père et le père de ce dernier. Armé d’un revolver qui traînait ici et là depuis le début de la pièce, elle tue tout, les animaux réels ou imaginaires comme le canard sauvage et retourne l’arme contre elle.

La mise en scène met en avant le pouvoir des hommes, leur façon de décider seuls, l’instrumentalisation qu’ils font de la place des femmes, leur égoïsme sans frontière. Toute la troupe fait front pour servir au mieux la tension ibsénienne.

.Opera du grand Avignon du 7 au 12 et du 14 au 16 à 17h

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