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La scène s’ouvre sur un studio avec une bibliothèque plutôt garnie, des poufs et diverses machines plus ou moins électroniques comme on n’en fait plus. Nous sommes dans les années 70 .Delphine (Marie Rémond) et sa copine Carole (Caroline Arrouas) nous parlent de la merveille qu’elle viennent de découvrir et qui va tout changer : la portapak , la dernière née des caméras vidéo de Sony. Comme le nom l’indique, elle se porte en bandoulière, pas besoin de pied, on peut filmer en marchant. Carole Roussopoulos est la seconde en France à l' acquérir, le premier a été Jean-Luc Godard. Cette avancée technique va être un formidable relais pour l’avancée des luttes féministes qui se multiplient dans ces années-là.
Delphine et Carole étaient faites pour se rencontrer. Delphine, lorsqu’elle étudiait à New York à l’Actor’s studio y a vu émerger le mouvement féministe. Carole, sa cadette (treize ans d’écart), née en Suisse, venue vivre à Paris, participe à mai 68, et, très vite, aux luttes féministes tout comme Delphine revenue vivre à Paris.
L’appartement parisien de l’actrice, place des Vosges, allait devenir, plus d’une fois, un lieu de tournage militant. En avril 1971, Seyrig signe la pétition des « 343 salopes » pour un avortement libre. « J’ai trop à dire. Il y a un trop-plein. Beaucoup de femmes ont ce trop plein en elles. Cela prouve justement que leur vie n’est pas ce qu’elle devrait être, je crois que c’est important de le dire (…) et je sais que beaucoup de femmes partagent ça avec moi » déclare-t-elle sur une chaîne de l’ORTF en septembre 1972 (cité par sa biographe Mireille Brangé dans Delphine Seyrig une vie éditions Nouveau monde).
Bref, Delphine et Carole étaient faites pour se rencontrer, et faire des choses ensemble, et donc Marie et Caroline étaient faites pour les rencontrer au coin du spectacle miroir qu’elles co-signent et joyeusement tout en faisant le lien avec les combats d’aujourd’hui, leurs combats. C’est vif, piquant, drôle comme les perruques que portent les actrices, un spectacle virevoltant de finesse et d’à propos avec la caméra portapak comme complice et témoin.
Les deux actrices citent comme un talisman cet extrait du film Delphine et Carole « Insoumuses » de Callisto Mc Nulty où Seyrig raconte comment les mouvements féministes lui ont permis « de déblayer, d’y voir clair, d’avoir mes propres jugements, de ne plus me laisser impressionner par les jugements de mes patrons, qui étaient des hommes, que ce soient des metteurs en scène ou des producteurs. Tout ça, ça a influence ma vie , énormément et ça m’a donné de ...de la force ». Peu avant sa mort en 2009, Carole Roussopoulos finissait un film intitulé Delphine Seyrig un portrait, morte, elle, en 1990 emportée par un cancer. Le spectacle de Marie Rémond et Caroline Arrouas mélange toutes ces cartes et y ajoutent celle de leur jeu jubilatoire.
Delphine et Carole du 8 au au 23 nov au Théâtre Paris-Villette
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