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Billet de blog 7 décembre 2025

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« A propos d’Elly », le film iranien de Farhadi devient un spectacle du tg STAN

Le film se passe le plus souvent au bord de la mer et dans la mer. Comment se débrouiller avec cela au théâtre ? Jolente de Keersmaeker et la bande en partie renouvelée du tg STAN peinent à nager en eaux troubles

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Illustration 1
Scène du début d'A propos d'Elly © dr

Avant de recevoir l’Ours d’or et les deux prix d’interprétation pour La séparation au festival de Berlin en 2011, le cinéaste Asghar Farhadi avait reçu deux ans auparavant l’ours d’Argent pour son film A propos d’Elly. Un film qui relate quelques jours dans la vie d’un groupe d’amis, partis de Téhéran pour un week-end au bord de la mer Caspienneet  pensant retrouver la maison où ils logent habituellement. Elle est prise. Ils en trouvent une autre donnant sur la plage et un drame va survenir. Un film où la parole et l’image s’équilibrent.

Avant de devenir cinéaste, Farhadi avait suivi des études de théâtre à Téhéran, autant dire qu’il a plutôt été flatté qu’un groupe de théâtre très connu comme le tg STAN souhaite adapter au théâtre le scénario d’A propos d’Elly. Sans doute a-t-il été un peu surpris ou intrigué en voyant le spectacle -s’il l’a vu- car, dans le film, la mer occupe une place importante, ce qui va de soit au cinéma mais pas au théâtre. C’est là l’un de ces défis qu’aime relever le tg STAN emmené par  l’une des ses actrices fondatrices du collectif, Jolente de Keersmaeker entourée de quelques fidèles et de jeunes recrues.

La mer, élément omniprésent d’ A propos d’Elly  est figurée sur la scène du théâtre de Nanterre par un grand rectangle composé de cailloux sur lesquels s’aventure une femme jusqu’à s’y engloutir. Beau prologue C’est par la suite (si l'on n'a pas vu le film)  que l’on comprendra cette scène et ce que suggère également cet amas de pierres.

Donc, comme dans le film, la bande arrive et finit par trouver une maison un peu délabrée au bord de la mer. Tous se connaissent sauf une femme, Elly, invitée par une mère : elle est la maîtresse d’un de ses enfants. Elly a hésité à venir mais elle est là. La mère sait (ce que les autres ignorent) qu’ Elly est fiancée à un homme depuis plusieurs années mais voudrait s’en éloigner et rompre ses fiançailles. Aussi la mère a-t-elle dans l’idée de lui présenter un iranien de ses amis revenu récemment d’Allemagne et célibataire et qui a rejoint la bande pour ce week-end. Et les enfants ? Au théâtre c‘est toujours compliqué et très réglementé. Alors ce sont des comédiens adultes qui jouent les rôles des enfants, c’est d'abord réjouissant puis cela devient pesant.

Et le drame arrive. Pendant que les autres vont en courses ou préparent le déjeuner, Elly surveille les enfants qui se baignent dans la mer. L’un d’entre eux s’éloigne dangereusement, appelle. Elly y va. Quand l’enfant regagne le rivage, il est seul. Où est passé Elly ? Dans le film la police arrive bientôt sur le lieux  (elle est absente dans le spectacle) ainsi que « fiancé » de la disparu. On retrouvera le corps d’Elly sur une autre plage.

Le spectacle qui, après le beau prologue, avait commencé poussivement en utilisant des procédés passe-partout et en minorant l’importance de la tradition dans les familles iraniennes, prend dès lors, non sans fausses notes,  un tempo orchestré par Jolente de Keersmaeker (la sœur d’Anne Teresa avec laquelle elle collabore régulièrement) dans le rôle de la mère coupable aux yeux de certains d’avoir invitée cette institutrice, une femme étrangère à leur bande d’amis et qui a "tout foutu par terre". Assurément le tg STAN est plus à l'aise lorsqu'il part d' œuvres écrites

Le « concept » du spectacle est cosigné Jolente De Keersmaeker et Scarlett Tumeurs, la mise en scène n’est pas signée comme toujours au tg STAN. « C’est une position politique, explique Jolente. Depuis plus de trente ans, le tg STAN défend un théâtre collectif, horizontal, où chacun a voix au chapitre. Dans un monde qui fragilise sans cesse le collectif, ce mode de travail est précieux. Montrer sur scène un groupe qui cherche ensemble, qui se trompe, qui doute, c’est déjà un geste politique ».

Créé en Néerlandais au Toneelhuis de Roovers, le spectacle A propos d’Elly est donné en français au Théâtre de Nanterre jusqu’au 20 déc. Du ma au ven 20h30, sam 18h, dim 15h

Le cinéma Les Lumières à Nanterre propose une rétrospective des films d’Asghar Farhadi jusqu’au 28 déc

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