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Billet de blog 8 janvier 2025

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La sororité au village

Penda Diouf et Silvia Costa signent « Soeur.s, nos forêts aussi ont des épines », nouveau spectacle itinérant de la Comédie de Valence, Centre Dramatique National de Drôme-Ardèche. Une belle histoire de femmes.

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Illustration 1
Scène de "soeur.s, Nos forêts aussi ont des épines" © Simon Gosselin

Silvia Costa et Penda Diouf font partie de l’ensemble artistique de la Comédie de Valence, ensemble d’une grosse dizaines d’artistes composé par le directeur, auteur et metteur en scène Marc Lainé. L’une des vertus d’un tel ensemble est de multiplier les collaborations entre ses membres qui, sans cela, ne se seraient peut-être jamais rencontrés.

C’est ainsi que les routes de Silvia Costa (metteure en scène) et de Penda Diouf (autrice) se sont croisées, Claire Roussarie, directrice adjointe de la Comédie, ayant joué les entremetteuses. De quoi ont elles parlé ? De sororité.

La connexion entre elles a été forte, « inspirante » dit celle qui a longtemps collaboré avec Roméo Castellucci. « Silvia m’a raconté un rêve où elle se promenait dans une forêt et tout à coup sa sœur est apparue , cachée dans un arbre…C’est ainsi que notre collaboration a commencé » raconte Penda Diouf.

Au bout de cette commande d’écriture de la Comédie de Valence pour la Comédie itinérante, un spectacle, Soeur.s, nos forêts aussi ont des épines.Une pièce écrite par Penda Diouf, Silvia Costa signant tout à la fois la conception du projet, la mise en scène, la scénographie et les costumes tout en ayant demandé à Sandro Mussida de composer une musique. En scène, deux sœurs, Lorine la plus jeune et son aînée Lou-Ann interprétées par deux actrices complices, Dea Liane formée à l’école du TNS et Pauline Parigot formée à l’ERAC. Les deux font preuve d’un métier solidement à vif.

Les deux sœurs de la pièce m’ont pas eu la même vie. La cadette, Lorine, a pu poursuivre des études et, diplôme en poche, s’apprête à partir loin, de l’autre côté de l’océan. Sa sœur aînée, Lou-Ann, n’a pas eu, elle, la chance de poursuivre des études, elle est restée auprès de la mère et de la grand mère. De père, il n’est pas question, ni même d’hommes.

Lorine va partir loin au moment où le cadre campagnard de son enfance va disparaître pour laisser la place au béton. Alors, comme un dernier rituel, les deux sœurs vont cueillir des champignons qui sont, dit Lou-Ann « comme les neurones de la forêt ». Elle connaît les bons coins. Les deux sœurs ont encore en bouche le goût des « délicieuses omelettes que faisaient mémé et maman ». Elles traquent les restes de leur complicité d’antan balafrée.

La pluie et la nuit tombent, elle se réfugient dans une caverne. Un cadre parfait pour faire ressurgir un lourd souvenir commun : une ballade en mer qui laisse la plus jeune au bord de la noyade. La mère gifle l’aînée. Mais c’est elle qu’elle gifle juge Lou-Ann « pour ne pas avoir su répondre à ce qu’on attend d’une mère, d’une femme ». Lou-Ann, seule, porte le poids de cette mère devenue vieille et dont elle n’a pas les moyens pour la mettre en Ehpad.

Plus tard, dans la nuit de la caverne, la plus jeune révélera à sa sœur le secret que leur a caché leur mère mais qu’elle a su deviner : à sa naissance la sœur aînée Lou avait une jumelle, Anne, qui n’a pas survécu, d’où le prénom étrange de l‘aînée : Lou-Ann. Alors Anne vit en elles et chante avec elles « je suis fille de ma mère et de toutes les autres mères avant elles/ une lignée qui se tient la main du ciel à la terre ».

Le petit village d’Epinouze, dans sa salle municipale, a eu la primeur d’accueillir la première représentation de ce nouveau spectacle de la tournée itinérante de la Comédie de Valence. Il a été présenté sous l’égide de « Valloire loisirs », une association intercommunale aux multiples activités présidée par l’infatigable Hélène Thinon, qui regroupe, outre Epinouze, les villages de Lapeyrouse, Lens-Lestang, Manthes, Moras et Saint Sorlin. Ce n’est pas la première fois que l’on accueille dans la salle des fêtes d’Epinouze un spectacle de la Comédie itinérante, belle initiative mise en place naguère par un ancien directeur de la Comédie de Valence, Philippe Delaigue, structure devenue depuis Centre Dramatique National de Drôme -Ardèche. Et c’est par dizaines que se comptent les villages des deux départements souhaitant chaque année accueillir le spectacle de la Comédie itinérante. Une réussite est une exception car, à ce jour, aucun autre CDN n’a suivi le bel exemple de la Comédie de Valence perpétué par tous ses directeurs.

Calendrier de la tournée itinérante du spectacle  en Drôme-Ardèche  en janvier: après Épinouze, le 7 janv à la salle des fêtes puis le 8 à la salle polyvalente de La Chapelle-en-Vercors, suivront le Jeu 9 Luc-en-Diois à la Salle des Voconces : le Ven 10, à Bourdeaux, Salle Pierry Belle ; le lun 13 à Belsentes, Salle des fêtes; le ma14 à Lussas, Centre culturel Jean-Paul Roux; le Me 15 à Saint-Maurice-sur-Eygues, Espace Philippe Maintenié  et le jeu 16 à Beaumont-lès-Valence, Salle des fêtes.

Puis·tournée au Théâtre Varia de Bruxelles du 24 au 30 janv et à la MC93 de Bobigny en partenariat avec le Théâtre de Nanterre Amandiers du 5 au 15 fév.-

La pièce de Penda Diouf est publiée aux Solitaires Intempestifs 

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