
Agrandissement : Illustration 1

Amanda Barrio Chammelo, Sondos Belhassen, Marina Delicato et Moya Michael entrent sur le plateau, chacune ayant revêtu non un costume de scène qui leur serait commun mais chacune porte une tenue personnelle légère, un haut qu'elle enlèveront provisoirement plus tard, le dos tourné, tout en poursuivant le tracé de leur écriture dans l'espace . Déjà en place, la violoniste et compositrice Aisha Orazbayeva joue. Debout ou assises les quatre danseuses lisent, posée au sol devant leurs pied, une partition d’une notation originale. Ni notes, ni mots, des signes. C’est la façon dont Selman et Sofiane Ouissi ont interprèté et codifié les gestes des femmes potières de Sejnane, au Nord de la Tunisie.
Tout a commencé en 2011 lorsque Selma Ouissi voit, dans une galerie parisienne, une poupée de terre cuite venant de son pays, vendue à un prix rondelet et titré « Laaroussa la mariée ». Stupeur, rage et tremblement. Selman et son frères Sofiane, bientôt informé, décident d’aller là où travaillent les potières, loin, très loin de Tunis. Elle s’y rendront plusieurs fois, y retourneront encore et encore pour aider ces femmes potières, héritières d’une tradition millénaire, à s’organiser. Elles les filmeront aussi, avec tact. Comme on pouvait s’y attendr , Selma et Sofiane décident de faire un spectacle de ce trésor.
Oui mais comment évoquer le travail de ces potières sur un plateau. C’est un travail, fondé sur les mains, les bras et toutes les circonvolutions de gestes qui vont avec (elles semblent ne pas utiliser de tour). Alors les deux chorégraphes n'imitent pas la réalité des gestes mais inventent une écriture scénique qui réinterprète et codifie des postions et des mouvements des bras et des mains des potières. Assises ou debout, les quatre interprètent font leur miel de ces gestes ici tortueux, la saccadés, ailleurs cinglant l’air, le tout en rythme. Aucun mot, aucune explication, mais comme une transmission-réinterprétation. De fait, un langage de signes intraduisible en mots et cependant parlant. C’est envoûtant, fascinant.
A plusieurs reprisent un film nous entraîne sur les traces des potières. On suit trois d’entre elles rentrant à pied chez elles à travers la campagne. Puis ont les voit ensemble, une assemblée de femmes filmées en plans serrés. Enfin on les voit piocher la terre grasse, la passer dans des tamis, la malaxer, on les voit aussi activer le feu des cuissons. Mais ce que l’on ne voit pas (sauf une fois, très fragmentairement) ce sont les œuvres des potières, les Laaroussas. Chedlia Saïdani, viendra sur le plateau, elle chantera, mais sans une de ses œuvres à ses côtés ? C’est frustrant, c’est incompréhensible. D’autant que c’est avec l’une de ces Laaroussas (poupée) que tout a commencé. Au moment des saluts, on se dit, on espère qua peut être certains des ces Laaroussas seront exposées dans le hall à la sortie du spectacle, mais non, rien. Comme un retour non de flamme mais d’invisibilité. Dommage et regrettable.
Jusqu’au 8 juillet, 19h à la Fabrica