jean-pierre thibaudat (avatar)

jean-pierre thibaudat

journaliste, écrivain, conseiller artistique

Abonné·e de Mediapart

1374 Billets

0 Édition

Billet de blog 8 novembre 2022

jean-pierre thibaudat (avatar)

jean-pierre thibaudat

journaliste, écrivain, conseiller artistique

Abonné·e de Mediapart

C’est bien, c’est chouette, chez Laurène

«REPRISE.  Pour un tant sois peu », premier spectacle de la compagnie Je t’accapare. Aux manettes Fanny Sintès, écriture et jeu Laurène Marx. Atout, à tout trans !

jean-pierre thibaudat (avatar)

jean-pierre thibaudat

journaliste, écrivain, conseiller artistique

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Scène de "Pour un tant soit peu" de et par Laurène Marx © dr

Sur la scène, un micro posé sur pied. Laurène Marx (née en 1987), cheveux blonds et autres, tenue hybride, colorée, se pose devant le micro, et ça commence. Un monologue ? Plutôt un dialogue avec elle-même où le « tu » tient de l’adresse à soi-même autant qu’à l’assistance. « Puis tu dis… Y’ a un tas de variantes en fait, mais l’idée c’est un truc du genre : ah...ok, merde...je suis une meuf, je crois..Je suis une trans, je crois... » Début d’une longue logorrhée.

Stand up ? Pas vraiment. Comme dire ? Des injonctions balancées à soi-même mâtinées de confessions, pas de côté, dialogues possibles, invectives, de tu à toi et à tue-tête, flot continu... Bientôt s’instaure une dialogue micro / hors micro. Le récit est suffisamment troué de salves pour ménager des improvisations que l’on ne soupçonne pas. Une sorte de virtuosité à nu, des mots dégainés comme des lames, les larmes aussi sont des armes.

« Y a urgence, tu te dépêche de vivre, même en désordre, même à l’envers, tu peux tout être, tu dois tout être. / Bien sûr...ils sont tout un tas dehors, qui t’attendent avec des torches et des fourches comme dans la belle et la bête tu sais, et si tu crois que t’es plus belle que la bête bah tu sais pas te servir d’un miroir chérie et tu peux tout être dans cette société, mais pas un travelo. Là, tu joues ta vie ». A la ville comme à la scène.

Ce texte, Pour un tant soit peu, est le fruit d’une commande passée par le festival Lynceus qui se tient chaque été à Binic en Bretagne. Une première version du texte y a été lue, ce qui allait déboucher sur deux mises en scène, chacune signée par une des co-fondatrices du festival : Lena Paugan dont une avant-première de sa mise en scène a été donnée au Train bleu lors du dernier festival d’Avignon, et aujourd’hui au Théâtre de Belleville, la mise en scène de Fanny Sintès avec, seule en scène Laurène Marx, ensemble elles viennent de la compagnie Je t’accapare.

Loin d’un monologue-confession, Pour un tant soit peu nous offre la richesse et les rythmes d’un théâtre à plusieurs voies-voix et registres entre micro, sans micro, entre dialogue intérieur/extérieur :

«SANS MICRO . « Et pour le bas , vous allez faire quoi ? »

MICRO Tu ne sais pas...Tu n’y avais pas vraiment pesé. Enfin si. Tu y avais pensé mais pas pensé Pensé.

Dialogue intérieur SANS MICRO JARDIN .Je ne crois pas que cela un fin en soi… J’avais pensé à être heureuse avant de penser au bas. ...Tu ne vas pas répondre ça. NE répond PAS ça. Tiens -toi bien. Pour une fois, tiens toi bien. C’est ta vie.

MICRO. Tu vas répondre ?

Dialogue extérieur SANS MICRO COUR. Le bas ? Ah ben , je veux une chatte. J’en veux même deux, si possible. Une devant, une derrière, où vous voulez. J’adore les organes génitaux. J’en suis moi-même une grande consommatrice. Et si je pouvais, je vais vous avouer un truc que je n’ai jamais dit à personne mais… Je serai moi-même un organe génital. Honnêtement ». »

Un peu plus loin cette injonction : « J’’ai été intense hein ? Mais t’inquiète ;, la suite est plus douce. Respire ».

Laurène Marx fraie un chemin de traverse dont elle invente les balises en avançant. Elle appelle cela joliment un stand up triste. « Dans un stand up triste on ne recherche pas forcément le rire de l’auditeur mais on s’applique à produire une rythmique furieuse qui permet d’enchaîner les idées et les concepts sans jamais perdre l’attention du spectateur. Dans un stand up l’auditeur attend forcément le prochain moment où il devra rire, dans un stand up triste, il ne pourra pas se détacher de l’inquiétude de se demander ce qui va venir après, un rire ou une larme. » Ce ne sont pas seulement des mots. C’est là, palpable, vibrant devant nous.Oui, elle est "intense".

Pour un temps soit peu, créé au Théâtre de Belleville,est repris au Théâtre Paris -Villette du 24 janvier au  Le texte est publié aux Éditions théâtrales.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.