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Billet de blog 9 mars 2015

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Phia Ménard jongle avec le sexe de la glace

Phia Ménard est une artiste inclassable. Ces dernières années, cette manipuleuse de matières s’était mesurée au vent. Comment  faire du théâtre avec du vent ? Elle y répondait dans l’éblouissant et troublant « Vortex ».

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Illustration 1
© Jean-Luc Beaujault

Phia Ménard est une artiste inclassable. Ces dernières années, cette manipuleuse de matières s’était mesurée au vent. Comment faire du théâtre avec du vent ? Elle y répondait dans l’éblouissant et troublant Vortex. On y voyait un gros bonhomme organiser et dompter un ballet aérien de sacs en plastiques imprévisibles comme des oiseaux. Le gros bonhomme se défaisait un à un de ses habits  et laissait apparaître, gainée dans une combinaison genre latex, une créature aux longues jambes qui de son nombril ou de son anus  faisait sortir un châle léger  long comme la nuit et torsadé par le vent d’une brigade de ventilateurs.

Aujourd’hui, la créatrice de la compagnie Non nova, dont la devise est « nous n'inventons rien, nous le voyons différemment », revient à ses premières amours avec P.P.P. (Position Parallèle au Plancher), une « pièce de glace », son spectacle mascotte qui a fait le tour du monde. Ses partenaires sont des boules et des pains de glace. Créé il y a huit ans, le spectacle a pris de l’ampleur. La dextérité s’efface derrière le trouble, plus que jamais. La transformation y est un axe affirmé, métaphore de sa personne

Boules et larmes de glace

Au-dessus d’elle, un ciel de 120 boules de glaces dont la chute et le fracas sont aléatoires. Glissant sur le plateau, quatre armoires à glace d’où Phia Ménard sort des petites boules gelées pour jongler, exercice délicat que de jongler avec des boules qui vous fondent entre les mains (elle a été à bonne école du jonglage, celle de Jérôme Thomas). Une des armoires sert  de vestiaire : elle y troque un manteau asexué contre une robe noire, pour finir en slip et soutien-gorge noirs. On la verra aussi enserrer dans ses bras d’énormes blocs de glace avant de les envoyer valser comme un dompteur met la tête dans la gueule du lion avant de lui faire dresser les pattes. On la verra encore manger de la glace à pleines dents, plonger dans une mini piscine de glace pilée qu’elle balaiera ensuite méthodiquement pour dessiner un cercle magique. Sa fascination de la glace nous prend dans ses rets. Ce spectacle, c’en est un, n’est pas un exploit, c’est une offrande et une quête.

Elle s’en explique dans le programme distribué aux spectateurs : « Laissons la place aux gestes d’un être solitaire questionnant son identité telle une quête pour pouvoir continuer à vivre. Un être jonglant, manipulant des objets congelés qui fondent, se transformant au contact de la peau et de l’air, laissant apparaître petit à petit une marre d’eau telle un bassin de larmes. »

A la fin, interrompant les applaudissements, elle s’adresse au public. Elle dit qu’elle n’est pas là pour « montrer des choses mais pour vivre » et nous faire vivre. Entre le premier P.P.P et le second, elle  a décidé d’arrêter de mentir, elle s’était « déguisée en homme », aujourd’hui elle s’affirme femme. Elle parle du mal de vivre son identité de personne transsexuelle. Elle  explique qu’en France, depuis une loi votée sous Pétain et toujours en vigueur, les trans sont des êtres sans papiers.

Et de conclure devant une scène où la glace s’est en partie transformée en eau : « On ne choisit pas de naître héréto, homo ou trans. Si on avait le choix, ça se saurait. Alors acceptons nous tels que nous sommes. »

Théâtre Monfort, 20h30 précises (pour cause de glace), jusqu’au 14 mars, 01 56 08 33 88.

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