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Billet de blog 9 juillet 2025

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Tiago Rodrigues tient la distance

Avignon.La nouvelle piète de l‘actuel directeur du festiva, Tiago Rodrigues, a pour titre « La distance ». Celle de l’espace temps qui sépare deux planètes : la terre où nous vivons et Mars où en 2077 des humains sont partis vivre et ont créé une autre société. Ici, un père terrien , là-bas ; sa fille. Un dialogue tendu fait de messages à distance

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Illustration 1
dispositif de "La distance" © Christophe Raynaud de Lage

Tiago Rodrigues aime toucher à tout. Formé comme acteur à Lisbonne et au Tg Stan, bon acteur, il est devenu bientôt à la fois auteur et metteur en scène à succès, puis directeur du théâtre à Lisbonne (théâtre national) et aujourd’hui Avignon où il a été nommé directeur du festival pour un premier mandat (renouvelable) de quatre ans. Tiago Rodrigues a écrit des pièces d’après d’autres pièces (Antoine et Cléopâtre), des faits littéraires (l’affaire Madame Bovary), des souvenirs liés à sa vie ou son métier (Sopro, By heart), etc. Et le voici qui s’aventure dans un domaine qu’il n’avait pas encore exploré: la science fiction. Et il le fait, en ayant dans la manche, une carte qu’il connaît bien : les relations entre un père et sa fille.

Tout se passe donc vers la fin du XXIe siècle, en 2077. Dans un demi-siècle. C’est loin, mais c’est aussi demain. Le réchauffement climatique est là avec ses ravages ( fonte des glacierset des pôles, agriculture en folie, mers en furie, etc.Partout le chômage a les vie dure, les familles sont de moins en moins nombreuses, le spleen est généralisé. Ayant épuisé les ressources cachées des niches fiscales sur la planète Terre , les plus riches ont décidé d’aller vivre sur Mars et d’y créer une nouvelle société avec de nouvelles règles.

Tiago Rodrigues regarde cela par le biais qu’il préfère: le petit bout de la lorgnette de l’intimité , en l’occurrence un père médecin vissé à la terre et sa fille, utopiste rêveuse, en route volontairement pour Mars (elle n’est pas riche mais a obtenu comme une bourse, les riches aimment beaucoup l’alibi des bourses) lorsque commence la pièce. La distance immense entre les deux planètes (il faut plusieurs mois pour passer de l’une à l'autre) va se frotter à la distance, de plus en plus grande, entre le père et sa fille. Lui ne cesse d’inciter sa fille à revenir vivre sur Terre, elle n’a de cesse que de s’intégrer à la vie sur Mars et à se fondre dans sa société orwellienne : la mémoire personnelle étant une denrée condamnée à disparaître après le temps limité où le néo Marsien peut faire marche arrière et revenir sur Terre.

La pièce se déroule le temps de ce compte à rebours et voit le fossé s’élargir entre les deux êtres au fil des scènes, toutes constituées de messages que le père et la fille s’envoient par voix électronique et interplanétaire. L’écart se creuse entre les deux , la distance s’accentue Lui, tourné vers le passé, étalant les photos où l’on voit sa fille se baigner, nager, rire pour mieux l’inciter à revenir sur Terre ce qui est possible pendant un laps de temps stipule la loi martienne. Elle, tourné vers l’avenir raconte que pour avoir un enfant, ce qu’elle souhaite, une femme se voit désignée un donneur de sperme. La voici enceinte. Son père, sur terre, consent à l’inacceptable. Le temps donnant la possibilité de revenir su terre est achevé, la mémoire de la fille est anéantie, elle ne reconnaît plus son père, elle l’appelle son père monsieur. « Quand on n’a que l’amour... » chantait l’autre soir Jacques Brel dans la carrière Boulbon. C’est un mot qui semble absent du vocabulaire martien

La scénographie forcément tournante voire tournoyante de Fernando Ribeiro montre simplement un bout de Terre et un coin de Mars, l’un avec quelques bricoles terriennes, l’autre où les roches voisinent avec  une sorte de globe-éprouvette. Tiago Rodrigues met en scène ce tournoiement entre les deux êtres, excellemment joués par Adama Diop (le père) que l’on ne présente plus et Alison Dechamps (la fille) que l'on découvre . Comme toujours l’excellente traduction française du texte est assuré par le fidèle Thomas Resendes.

Bonne distribution, bon décor, bon texte, tout baigne. Non, manque, un rien , un je ne sais quoi comme disait Jankélévitch, une petite poussière d’inattendu, de tremblé, d’aérien rêveur , tout ce qui faisait le charme subtil de spectacles comme By Heart, Antoine et Cléopâtre découvert à la salle Benoît XII du Festival ou Sopro créé au Cloître des Carmes. .Aaaaah…

« La distance », festival d’Avignon à l’Autre Scène de Vedène. Les 9, 12, 16, 19 à 12h et 17h »à. Les II, 13, 14, 15, 18, 20, 21, 22, 23, 25, 26 à 12h.

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