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Billet de blog 9 octobre 2023

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Quelle nouvelle adresse pour le 3 rue Montevideo à Marseille ?

Après des années de procédure et le refus des uns et des autres d’acheter le bâtiment, l’aventure exceptionnelle de Montevideo (et son festival Actoral) devra quitter ses locaux à Marseille, ce 15 octobre. Le propriétaire va récupérer sa propriété, l’esprit Montevideo, lui, doit perdurer. Mais où ? Quand ? Comment ?

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Illustration 1
La cour de Montevideo © dr

L'aventure avait commencé à l’aube des années 2000 par une rencontre entre un auteur, metteur en scène et scénographe, Hubert Colas, fondateur-directeur de la compagnie Diphtong , et le musicien Jean-Marc Montera, directeur du GRIM (Groupe de Recherche et d'Improvisation Musicale). Ils cherchaient un lieu où travailler et accueillir d’autres artistes, leur réunion imposant, implicitement, un opportun décloisonnement des arts.

Ils trouvèrent au 3 rue Montevideo à Marseille, le lieu adéquat. Le nom de la rue allait devenir le nom du lieu pluriel, un bail fut signé avec le propriétaire. Montevideo devait bientôt donner naissance chaque automne à Actoral, un festival qui allait rapidement trouver sa place : celle d’un espace de découverte et d’émergence. C’est là, à Montevideo et ailleurs dans la ville dans des lieux accueillants comme les Bernardines, que l’on vit apparaître des artistes comme Gisèle Vienne, Milo Rau ou récemment la jeune Léa Drouet pour ne citer que trois noms, la liste est longue.

En 2012, une nouveau bail de quatre ans fut signé. Mais quatre ans plus tard, le propriétaire, la SCI Jame, signifia la fin du bail et son non renouvellement. Le propriétaire voulait vendre.

Les associations Montevideo et Diphtong entamèrent une procédure judiciaire pour requalifier le précédent bail, peine perdue, le 13 octobre 2020 le tribunal judiciaire de Marseille ordonnait une expulsion immédiate et le paiement d’une indemnité. Il y eu appel, perdu, pourvoi en cassation perdu à son tour. Le propriétaire accepta de différer l’expulsion à l’issue du festival Actoral qui allait se tenir entre le 8 septembre et le 14 octobre 2023, à condition que Montevideo verse les indemnités dues, soit 273 000 €, ce qui fut fait en partie grâce à une subvention exceptionnelle de la DGCA versée il y a deux ans.

Le déménagement des archives et du matériel accumulé commencera donc ce 15 octobre mais cela prendra plusieurs jours d’autant que l’équipe aura été passablement accaparée par le festival Actoral. Dans une semaine, Montevideo se retrouvera donc à sec et à la rue. Un énorme gâchis.

Ni le ministère de la culture, ni la ville de Marseille, ni la région, ni personne ne pourra jouer l’ignorance ou l’innocence. Tous ont été prévenus, alertés. Jusqu’à aujourd’hui, hormis quelques ronds de jambes de façade, l’inertie a prévalu. C’est aussi incompréhensible qu’inadmissible. Montevideo et sa figure de proue le festival Actoral ont joué un rôle essentiel, de dénicheur, de défricheur, de révélateur. On y allait de découverte en découverte et bien sûr de déceptions en stupeurs et ravissements comme il se doit dès lors que l’on tutoie le nouveau, l’inconnu, le balbutiant, le prometteur. Des lieux comme Montevideo sont aussi rares que précieux. A Marseille c’est un lieu unique.

« Marseille doit être un épicentre et doit faire vivre de grands artistes modernes et contemporains qui parlent à la jeunesse «  roucoulait récemment le Président de la République venu dans la cité phocéenne lancer sa « saison Méditerranée » qui, en 2026, doit être le « point d’orgue de l’ensemble des initiatives qu’on doit se donner pour le trois ans à venir ». Belles paroles. C’est d’actes, de décisions et non de louvoiements  ou roucoulades qu’ont besoin Montevideo et ses artistes.

Une lettre ouverte (pour signer : solidarite.montevideo@gmail.com) a été publiée en soutien à Montevideo . Extrait :

«  (...)Nous appelons de nos vœux à ce qu’une solution soit trouvée pour préserver cet espace au service des auteur.e.s et des artistes, bien commun qui est le fruit d’années d’expérience et de travail et que nous souhaitons voir perdurer. C’est un espace rare d’expression artistique, propice à l’émergence de nouvelles formes, qui risque de disparaître. Un lieu où exigence artistique rime aussi avec convivialité.
Nous y avons écrit, lu, joué, dansé, cherché, essayé, innové, trouvé, partagé, connu d’autres artistes, rencontré de nouveaux publics, pensé de nouveaux projets. Ouvert de nouvelles pistes de réflexions, trouvé un espace d’accueil propice à la création. Enfin une maison ouverte où le mot d’art ne sonne pas comme élitiste.
Nous savons que les jours qui viennent sont d’une importance capitale. Nous sommes déterminé.e.s à défendre la pérennité de ce lieu qui en vingt ans s’est forgé une identité singulière, reconnue en France et à l’étranger. Nous interpellons et attendons des institutions qu’elles fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour garantir la poursuite des activités de Montevideo. Nous sommes convaincu.e.s que Montevideo doit être sauvé et apporterons notre plein soutien à toute initiative visant à écarter la perspective d’une disparition pure et simple de ce lieu de création et d’action artistique au cœur de Marseille
. »

Cette lettre a été signée par des centaines d’artistes ainsi que par de nombreux artistes et institutions marseillaises.

Alors, si Madame le Ministre de la culture passe ces jours-ci par Marseille, qu’elle monte au 3 rue Montevideo, ce c’est pas très loin du Vieux Port et c’est un endroit charmant et accueillant.

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