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Billet de blog 10 février 2025

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« Circus Remake » ou bienvenue aux folies Maroussia

En piste, Nin Khelifa et Theresa Kuhn, deux formidables jeunes circassiennes, en coulisses, sur les murs ; les écrans, et en voix off, la déesse machina Maroussia Diaz Verbèke et sa complice Élodie Royer. Des mots, des cordes, des fils, des échelles et de la musique, en avant pour le splendide « Circus remake »

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Circassienne émérite et dévoreuse de livres, Maroussia Diaz Verbèke n’a jamais accepté et respecté les deux décrets publiés au début du XIXe siècle qui définissaient le cirque comme un art où la parole est interdite , un art où l’on parle sans parler. Ce refus était présent, en 2012, dès le premier spectacle De nos jours, Notes on the circus, aussi emblématique et fondateur que légendaire. Outre Maroussia, il réunissait Vimalas Pons, Erwan Ha Kyon et Tsirihaka Harrivel. Le spectacle, dingue et décapant, était composé de 68 notes (lire ici). Ensemble, les quatre formaient la compagnie Ivan Mosjoukine, laquelle eut une brève existence, chacun.e partant bientôt pour de nouvelles aventures.

Cinq ans plus tard, Maroussia signait sa première création personnelle Circus Remix. Un spectacle qui allait longtemps tourner. Elle y développait ce qui était en gestation dans Notes on the circus, à savoir un tressage entre des numéros de cirque qu’elle effectuait et tout un flot verbal composé de mots écrits et parlées, en direct, enregistrées ou projetés.

Aujourd’hui, Maroussia Dia Verbèke, à la tête de sa compagnie le Troisième cirque, se définit comme circographe. Ainsi signe-t-elle Circus Remake, spectacle qui, comme le nom l’indique, remet le couvert de Circus Remix, mais autrement.

Maroussia n’est plus en scène ( elle se glisse dans le public), elle confie les numéros à deux jeunes artistes de cirque : Nin Khelifa (corde volante, corde lisse, etc) formée à Paris, Turin et Montréal , et Theresa Kuhn (fil souple), née en Allemagne, formée à Bristol en Angleterre et au Centre National du Cirque à Châlons-en-Champagne. D’une génération, l’autre, on assiste, magnifiquement, à un spectacle de transmission

Les deux artistes se succèdent sur la piste qui n’en est pas tout à fait une, le public est assis sur des gradins couvrant un quart de cercle devant une piste réduite et circulaire avec, au fond, des dégagements, une jeu d'entrées-sorties comme au théâtre et comme au cirque . Entre deux numéros,venant des coulisses, entrent une profusion de drapeaux narratifs, des bricoles, des costumes souvent extravagants, à peine vus déjà  disparus,

Et puis il y a ce montage extrême de mots, aussi divers que nourris d’auteurs (peu de phrases, beaucoup de mots isolés reliés ou pas à d’autres) , etc. Un montage aussi serré que diabolique réalisé par Maroussia Diaz Verbèke et Élodie Royer où l’émission de France Culture « Hors champ » (à laquelle participait Élodie Royer) a la partie belle. C’est ainsi que l’on entend un entretien de Laure Adler avec François Héritier.

Le plus souvent, le montage est on ne peut plus serré comme saisi de folie constructive. Un seul exemple, pour dire la phrase « laissons la jeunesse moderne tenter l’impossibl», les sorcières Maroussia et Elodie ont kidnappé des mots-vermicelles et les ont versé un à un en ordre dans leur chaudron ,des mots appartenant à des écrits signés Jacques Derrida, Pierre Etaix, Maurice Féaudère, Claude Villers et Arthur Dreyfus.

On peut prolonger le plaisir en achetant (prix libre) le programme grand format du spectacle. Toutes les sources textuelles, sonores y sont mentionnées. Les spectacle est lui-même composé de dix numéros (sans compter les intermèdes) ayant chacun un titre : le corps, le -ce-qui-ne-se-fait-pas, la question, l’élan, etc. Maroussia conclut ce travail où son corps reste en dehors de la piste , par ces mots: « Dans le spectacle « Circus Remix », dont est tiré « Circus Remake », j’étais déjà plusieurs . Maintenant, elles sont deux, c’est encore mieux pour dire nos solitudes peuplées de sonorités intérieures ».

Théâtre Silvia Monfort, Paris  jusqu’au 15 fév ;. Tournée : les 7 et 8 mars à l’Espace 1789, Saint Ouen ; du16 au 17 mars au Théâtre de Gascogne à Mont de Marsan les 20 et 21 mars au Sirque à Nexon ; le 23 mars à La Mégisserie de Saint Junien ; les 27 et 28 mars à L’Agora de Boulazac - Nouvelle Aquitaine ; les 2 et 3 déc au Tandem de Douai, le 5.déc au Prato, Lille

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