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Ils sont assis sur un banc face à l’immensité, ils se serrent, se , expulsent le dernier, increvable gag. Ça revient, ça remet ça, glisse, pirouette. Plus tard, dans les épaisseurs de leur accoutrement, ils prendront place sur des chaises de cuisine dépareillées, entre deux planches, deux panneaux. Et ce petit paysage peint là bas au fond sera emporté dans la soudaine tourmente .
Les moustaches extravagantes des uns, les coiffes tournicotées des autres sont des nids à petits vermisseaux histoires, les cuissardes comme les rideaux et les gilets sont faits de pièces rapiécées, rafistolées. Idem les gants, les chapeaux. Les robes déploient leurs frissons comme tombées de vieilles malles au sortir de la nuit. Idem les papiers peints, idem les cadres tendus de tissus ou de voiles plus ou moins transparents, idem les tableaux de fêtes champêtres, Item les fils et les filins où transitent des rideaux en toile à matelas, idem la viole qui joue du piano, idem l’animal empaillé que ne fait que passer .
Faut-il voir dans un semblant de table à repasser posée sur la table au tout début un clin d’œil fraternel ? Tout passe et repasse dans les spectacles du Radeau. Les mots comme les corps dans un splendide vieillissement du même dont on ne se lassera jamais, et le bonheur de voir de nouveaux corps entrer dans la danse. Les panières immémoriales du théâtre ne chôment pas, le vent d’autan impose, par bourrasques, son tempo. Ça vrille, ça gicle, ça lutte contre le vent. Les chapeaux, les frisettes, les rideaux, les filins, les planches de bois qui inclinent les corps et les destins sont derechef à la fête. Qu’est-ce donc que cet apparent bric à braque ? "Un bricolage ébouriffé" me disait un jour François Tanguy.
C’est un écrin, un bac à sable, un abri pour la nuit, une dérive temporelle en barque, un carrefour où les chemins bifurquent et où les mots, comme des petites loupiotes, s’avancent en guirlande émettant des signes par intermittence.

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Robert Walser, l’ami de longue date, est venu avec une musette de textes brindilles, quelques appeaux, des brandons, tel les yeux d’un homme parlant « le langage muet du désespoir » tandis que sa bouche sourit avant que la cantatrice ne« pose sa main comme une caresse sur la tête de l’enfermé. Ou bien ces mots de Robert au chevet de Kleist :« comme pressé d’annoncer un malheur, un vent de tempête fait irruption et ne trouve plus la sortie ».
Compagnon de route des jours anciens, veillant en coulisses sur le vieux temple en bois, Shakespeare, dans sa langue, fait un pas de deux et remet ça. Dostoïevski comme Kierkegaard s’accoudent au bar en ruminant. Tchekhov en bon météorologiste du monde comme il va, soulève son lorgnon : « on étouffe ici, il va sans doute y avoir de l’orage » ou plus loin toujours dans La noce ; « donnez moi de la poésie ! Et lui, rebelle, attend l’orage comme s’il apportait la paix. Donnez-moi un orage ! ». Ça remet ça, ça glisse, De Beethoven à Gueorgui Sviridov, les musiciens ne sont pas les derniers Ça file par des chemins de fuite, des gags se souviennent du cinéma muet, un pas de danse à peine esquissé et déjà anéanti, un saga de gestes bricoles, une mémoire à vue, ouverte aux vents. Le temps est, étrangement à l’allégresse.
On retrouve Laurence Chable et Frode Bjǿrnstad (présents dans presque tous les spectacles de Tanguy), Martine Dupré, Vincent Joly et Erik Gerken (déjà dans Orphéon, Cantates, Item) et deux nouveaux venus, Samuel Boré (au piano) et Anaïs Muller ; ancienne élève de l’école du TNS. Fidèles d’entre les fidèles, François Fauvel (lumières) et Eric Goudard(son) accompagnent une fois le plus François Tanguy.
"Par autan", a été créé au Théâtre des Treize vents, puis s'est donné à la Fonderie du Mans où François Tanguy est mort quelques jours après la première. Le spectacle, le dernier du Radeau, est à l'affiche du Festival d'Avignon au gymnase diu Lycée Mistral, les 12 et 14 juillet à 12h.
Le mardi 15 juillet à 12 à la Maison Jean Vikar , Laurnce Chable et Olivier Neveux parleront du livre "La voix sur l'épaule" (Editions théâtrale) signé ensemble autour du Théâtre du Radeau et du travail de François Tanguy.
Enfin à la salle de lecture de la bibliothèque au deuxième étage de la Maion Jean Vilar, sont exposés des dessins des François Tanguy autour de certains spectacles du Radeau de "la période Woyzech" vers 1989.