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Billet de blog 11 février 2025

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Valère Novarina donne sa langue au château de Villers-Cotterêts

À une heure en train de Paris, le dit « château François Ier », entièrement rénové, à deux pas de la maison natale d’Alexandre Dumas, abrite désormais « la Cité internationale de la langue française ». Vient de s’y ouvrir une exposition au titre long comme le bras « Traces d’écriture, peintures, renversement, Valère Novarina envahit la Cité ».

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Illustration 1
Noarina dans son atelier en Normandie, 1018 © Antonio Marie Stoch

Valère Novarina est un maître mots comme on dit un maître horloger ou un maître pâtissier. Des mots, il explore tous les ressorts, les recoins, les extensions, les dérivations, les ruses, les étourdissements,les effondrements.

Les écrivains fabriquent des phrases, des vers, des textes sans ponctuations , toujours avec des mots. Valère Novarina aussi mais il va plus loin: il invente des mots, des noms, des verbes, autrement dit, il enrichit le trésor de la langue française. Les oiseaux lui sont redevables d’avoir enrichi leur patrimoine. Les actrices et les acteurs l’adorent  car il les mets à rude épreuve mais les aident à toucher le Graal du dire en leur offrant à tour des quintaux de phrases qui, après macération, s’engouffrent das leurs gorges avec jubilation. Par exemple, il leur écrit des inventaires à tomber par terre, il les présentent à Jean qui corde, à L’Avaleur sans fin, au Danseur à son corps défendant, à La mangeuse Quital et à l’Enfant de Trombine l’Ayant antant de noms choisis au hasard d une page (la 117 ème) d’une de ses dernières œuvres( publiée chez Pol comme quasiment tout), La clef d langues, livre n qui reproduit également, de sa main, nombre de dessins de ses personnages.

C’est là l’autre versant de Novarina ; le dessinateur en noir et rouge de milliers de personnages et le peintre aux furieux tracés et aux couleurs jetées à la verse. Les deux Novarina ont fait acte commun lorsque les 6, 7 et 8 juillet 1983 à la Rochelle dans l a Tour Sait Nicolas (photo figurant dans l’exposition) Novarina dessina à l’encre de Chine et au crayon rouge les 2587 personnages de sa pièce Le drame de la vie. 636 sont reproduits dans La Clef des langues et quelques uns exposés à la Cité internationale de la langue française au château de Villers-Cotterêts.

Au printemps 2017, au musée d’art moderne à l’abbaye Saint Croix des Sables d’Olonne , Novarina avait été honoré d’une grande exposition rétrospective de ses peintures (lire ici). A Villers-Cotterêts les toiles sont beaucoup moins nombreuses mais souvent plus récentes. Elles sont magistralement mises en valeur par l’accrochage réglé par le scénographe Philipe Marioge, vieux compagnon de route du dramaturge. Les toiles éclatantes de couleurs et cinglés de lignes occupent l’essntiel des salles réservées aux expositions temporaires. Il est dommage qu’une petit catalogue n’est pas été édité à cette occasion.

Illustration 2
Observez Adam captif, 1995 © Leonard Novarina

Plus d’une fois, dans cette « Cité internationale de la langue française » (dirigée par Paul Rondin l’anvien droit d’Olivier Py lorsque ce dernier dirigeait le Festival d’Avignon), on la cherche cette langue de Novarina, ses mots, ses néologismes, ses dialogues, ses inventaires, ses personnages. Au lieu d’être au centre de tout, sa langue est reléguée à la périphérie, dans une ou deux petites salles avec des films (passionnants au demeurant,) , des extraits vidéo de spectacles au fil d’un montage réalisé par Raphaël O’Byrne en collaboration avec Novarina. Rien sur les murs, pas même une reproduction grandeur nature des murs de l’atelier de l’écrivain tapissés de feuilles manuscrites, pas même la retranscription sur les murs d’une pièce, et du sol au plafond, d’un de ces inventaires infinis dont Novarina a le secret.

En sortant de la gare, on entre vite en ville, on laisse sur la gauche la maison bourgeoise d'Alexandre Dumas, et au bout d’une ligne droite, se dresse le château bordé, au loin, par la forêt de Retz honorée du titre de « forêt d’exception ». Le château était depuis longtemps vétuste après avoir été une maison de rois puis une maison de retraite du département de la Seine (les derniers habitants sont partis en 2014) comme l’indique encore une inscription sur la porte d’entrée du château.

Des travaux considérables ont rendu son lustre aux château, des écrivains, des architcxtes et des artistes ont été invités à imaginer la future cité internationale de la langue française (cité qui restera attaché au président Mcaron, c’est là son seul grand chantier). Les nombreuses salles de l’exposition permanente déclinent l’histoire de la langue française, son rayonnement, les peuples qui se la sont appropriée (souvent via la colonisation) en la transformant. Est mis en avant cette phrase de Glissant et Chamoiseau « Aucune langue n’est, sans le concert des autres ». Tout cela est illustré par une multitude de jeux interactifs dont une étonnante bibliothèque virtuelle ce qui ravit les écoliers qui, avec leur prof, viennent nombreux visiter ce haut lieu et peuvent voir les 191 articles de « l’ordonnance de Villers-Cotterêts » » . L’un des ces articles ordonne que tous les acteurs de justice et de droit soient « prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel français et non autrement ». L’article toujours en vigueur.

Le plus drôle c’est que François Ier passa peu de temps dans le château lequel, cependant, i fut surnommé « château François Ier » par les habitants de Villers- Cotterêts ». On les comprend : c’est là que le roi signa la fameuse ordonnance qui aujourd’hui régit l’article 2 de notre Constitution : « La langue de la République est le français ». N’en déplaise aux langues régionales

Le Chaos de Novarina mettra tout le monde d’accord. Le fils de Rabelais qu’il est a mis ce texte en exergue de l'exposition : « Notre parole nous perd et nous guide. Son livre est lumineusement incompréhensible. C’est un chaos très nécessaire aujourd’hui, où il y a un mystère de la langue qu’on voudrait nous enlever ».

Exposition Valère Novarina à Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts, jusqu’au 27 avril . Le samedi Ier mars Olivier Martin-Salvan dès 10h du matin et jusqu'au soir accompagnera les visiteurs en proférant la langue de Novarina.

A paraître prochainement aux Éditions HDiffusion un "Dictionnaire Valère Novarina" comprenant 224 entrées réfigées par 40 contributeurs français et étrangers, 650 pages.

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