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Rares sont les pièces qui se passent dans un futur lointain sans que ce dernier ne verse dans la Science-fiction. C’est le cas de Nostalgia 2175 de l’autrice allemande Anja Hilling, née en 1975, une pièce dont la temporalité se situe deux cents ans après sa naissance. Ni elle ni nous ne seront de ce monde pour juger de ses visions et prévisions
On connaît son œuvre (souvent traduite aux Éditions théâtrales) depuis Tristesse animal noir, pièce mise en scène par Julien Gosselin avec le collectif Si vous pouviez lécher mon cœur au Théâtre de Vanves en 2011 (son premier spectacle) et deux ans plus tard par Stanislas Nordey au Théâtre national de la Colline. Une pièce publiée en traduction aux Éditions théâtrales comme plusieurs autres œuvres d’Anja Hilling.
Sauf erreur de ma part, c’est la première fois, en traduction française (signée Silvia Berutti-Ronet et Jean-Claude Berutti), que l’on met en scène Nostalgia 2175, pièce prenante à la lecture et diablement difficile à mettre en scène, ce qu'efforce de faire Anne Monfort avec acharnement.
En cette année 2175, les souvenirs du mode ancien (le nôtre) sont lointains et confus. Avec une température moyenne de 60°C, bien des choses ont fondu : les automobiles comme les cœurs. La vue a baissé, l’ouïe itou, les voies respiratoires sont sanguinolentes, le soleil s’est couché il ne s’est plus levé, « le courant électrique c’est de l’histoire ancienne », comme les cheveux, etc.. La peau est devenu fine à l’extrême, les estomacs ne digèrent plus la viande, le ventre stérile des femmes ne se gonfle plus de progénitures sauf à de rares exceptions (six à huit en cinquante ans).
C’est cependant le cas de Pagona qui s’adresse à son bébé à naître (dans ces cas-là l’actrice Judith Henry se tourne vers nous, les spectateurs), une future fille qui ne connaîtra pas sa mère puisque cette dernière mourra probablement au moment de l’accouchement. Le père du futur bébé n’est pas Taschko (Mohand Azzoug), celui que Pagona aime, victime d’un viol et battu, sa peau est bousillée au point de ne pouvoir toucher personne. Non, le père biologique c’est Posch (Jean-Baptiste Verquin), le patron de Taschko, ce dernier étant expert en peinture sur peaux.
La pièce tourne autour de ce trio et du futur bébé mais aussi de personnages évoqués comme la mère de Posch et sa collection de 3444 films , mais aussi de rêves, de choses disparues comme, pour Pagona, les chats et le coquelicots rouges, autant de parfums de l’ancien monde.
Si le décor n’est pas une réussite et ne sert guère les acteurs, en revanche la partition musicale commandée à compositrice espagnole Núria Giménez-Comas via l’IRCAM impose un phrasé rythmé qui déréalise le propos. La compositrice a suivi les répétitions et travaillé dans dans un grande complémentarité. Entre deux hommes (et deux excellents acteurs) , entre deux mondes, entre le public présent et le futur bébé de la fiction, Judith Henry, elle, jubile.
Jusqu ‘au 15 décembre (sf le 12) au Théâtre National de Strasbourg, 20h.
Le texte est disponible aux Editions théâtrales, 120p,14,90€