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Feldman est assis lorsque les spectateurs prennent place dans la petite salle Roland Topor du Théâtre du Rond Point. Le spectacle a été créée au Théâtre National de Strasbourg et il est arrivé à Paris rôdé, affiné. Le fauteuil en bois où l’acteur-auteur a pris place n’est pas accompagné d’un divan de psy auquel le patient allongé va raconter sa vie. Feldman, qui ne voit plus de psy depuis trois ans, brouille les pistes : l’analysé parle assis de ses névroses devant le divan du public venu nombreux.
Le titre du spectacle, On ne jouait pas à la pétanque dans le ghetto de Varsovie », mi blagueur, mi terrifiant, sera dit à l’oreille d’un péquin dans un jardin public. Le mot Shoah, lui, restera au fond de la gorge, cependant la saga familiale des Feldman, socle du spectacle, en déploiera bien des aspects traumatiques. Parents, oncles et tantes proches ont miraculeusement échappé aux rafles, aux camps et aux fours crématoires contrairement à des millions de Juifs. Ce qui , par ricochets, amène Feldman à bien prononcer le mot Auschwitz, un mot si mal prononcé par beaucoup de français s’amuse t-il.
Jouxtant le fauteuil, un petite table avec quelques livres et des carnets où puiser quelques citations dont l’une de l-écrivain Isaac Bashevis Singer mais comment dit-on ce « Singer » -là? Pas comme la machine à coudre ni comme le verbe singer.
Tout le fil du propos va se nouer autour d’une anecdote ; après avoir fait l’amour avec une femme Eric Feldman n’a qu’un mot sur les lèvres : Hitler. Ce qui le laisse peut-être songeur mais surtout explorateur de son identité. Ce nom et tout ce qu’il recouvre va implicitement faire la paire avec un autre nom, omniprésent par ricochets, celui de Freud. Entre ces deux pôles, quelques dérives autour de son chat Milosh ou, inattendue et surprenante, l’histoire des origines du Club méditerranée via le récit de l’un de ses oncles.
On passe allégrement de la famille d’Hitler à celle de Feldman et d’Éric à Sigmund C’est plein de méandres comme il se doit dès lors que l’on dissèque à vue une névrose ont le théâtre, cet ouvrier émérite, dessine le profil et les contours, disons la mimesis d’une pseudo thérapie volontiers burlesque. Bref, c’est d’autant que drôle que le trauma est là, sous-jacent avec ses séquelles toujours à l’affût. Comme dans un cabinet de psy, les associations libres fusent et le public en prend note ; il sourit et ça et là, rit. Feldman a l’art de parler légèrement de choses qui pèsent lourdement sur son identité et celle des siens.
Résumant en une formule l’art et la manière constituant le spectacle On ne jouait pas à la pétanque dans le ghetto de Varsovie, Olivier Veillon -qui en signe la mise en scène- parle de « stand up assis ». C'est joliment dit mais un peu réducteur. Veillon dirige parfaitement l’acteur qui était remarquable et fut remarqué dans le spectacle Ça ira, Fin de Louis dont l’auteur et metteur en scène, Joël Pommerat, est qualifié dans le générique du spectacle de « soutien amical à la dramaturgie et à la mise en scène ».
Créé au TNS, le spectacle était déjà venu au Théâtre du Rond-Point, pour cause de succès, il y revient du 17 au 29 juin