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Billet de blog 15 juillet 2023

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Allez découvrir le « strange » univers de Suzanne Kennedy

Suzanne Kennedy a écrit et mis en scène « Angela (a strange loop) » et conçu le spectacle avec l’artiste multimédia Markus Selg. Un voyage magnifiquement énigmatique au seuil de la perception. A qui appartient votre regard? A vous, ou à celui qui vous regarde?Vue à Avignon repris à l'Odéon

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Illustration 1
Scène de "Angela (a strange loop)" © Juklian Röder

Le regard restera énigmatique. Couchée, debout, silencieuse ou disant quelques mots, le regard de l’actrice restera aussi insondable que pénétrant. Il n’exprime rien d’autre que son mystère, son indéchiffrable mystère. A qui appartient ce regard ? A l’autrice néerlandaise Suzanne Kennedy ? A son personnage donnant le titre au spectacle Angela (a strange loop) ?  

Son accoutrement informe ( ou disons berlinois) est comme le compagnon obligé de ce regard. Ni mode, ni hors mode, il le  prolonge, le protège, lui fait un nid. Ce regard impassible mais secrètement expressif peut-être, vous l’avez vu au gymnase Aubanel, un des lieux du festival in, c’était en fin d’après-midi, il vous poursuivra toute la nuit, jusqu’à ce petit matin où ces lignes s’inscrivent sur votre ordinateur comme malgré vous.

Du spectacle, vous ne savez rien. Vous n’avez pas encore lu la feuille de salle que l’on donne à l’entrée de la salle, mais ce nom, Angela , vous a attiré et puis un ami vous a dit que Suzanne Kennedy était une figure de la Volksbühne de Berlin (le théâtre berlinois qui fut longtemps celui de Frank Castorf et où est associé aujourd’hui Julien Gosselin).

Vous n’en savez pas plus lorsque ce regard se porte sur vous et ne vous quitte plus, deux heures durant. Couchée sur un vague lit avec un chien en peluche, compagnon de ses insomnies, elle vous regarde. Debout ou couchée, parlant entre deux portes, avec sa mère, son compagnon, sa copine, son regard ne bouge pas, comme offert et repris aussitôt à la fois, mais aussi peut-être comme elle était la spectatrice de ce qu’elle était en train de faire, comme si l’autrice Suzanne s’était glissé dans l’accoutrement d’Angela ou bien l’inverse. Cela touche au vertige.

Il me semble que tout du spectacle émane d’elle, de ce regard à la fois lointain et proche. Ce mur de la fausse cuisine qui se déforme, ces tas colorés de couleurs vives que l‘on entasse, cet écran de télé au dessus où un ourson électronique nous parle d’un ton rassurant en nous regard,t de ses yeux doux. Angela ou Suzanne ?

Dans la nuit, je lis enfin la feuille de salle. Premiers mots : « Qu’est-ce que la réalité ? Votre quotidien, vos rêves, vos peurs, vos désirs...ou la somme de tout cela, additionnées des mondes qui vous habitent ». Est-ce de moi spectateur que l’on parle ou d’un personnage ? Ou d’une autrice ? Un entretien avec Suzanne Kennedy au revers de la feuille de salle nous en dit plus. Plus ? « Le rêve ? La réalité ? Des mondes parallèles où un même événement peut être vécu par différentes personnes et donc joués par différents acteurs. Ces troubles sensoriels qui questionnent en-nous notre conception du réel me fascinent. Ils sont souvent le point de départ d’une mythologie. Nous avons besoin d’histoires pour expliquer le réel, surtout ce qui demeurent difficilement explicable ». Oui, la force de ce spectacle, c’est cela : il restera à jamais « inexplicable ». Et puis, il y a ce petit supplément d’âme, si je puis dire, du spectacle : le décalage entre le corps des acteurs et la voix enregistrée, « la parole correspond aux gestes, mais elle n’est pas complètement adéquate. » Comme disait le poète, ce mystère nous dépasse, feignons de l’organiser.

Suzanne Kennedy cosigne ce spectacle avec Markus Selg. Elle vient pour la première fois au festival d’Avignon .

Odéon-Berthier dans le cadre du Festival d’automne à Paris du 8 au 17 nov, du mar au sam 20h, dim 15h; puis les les 9 et 10 déc à la Volksbühne am Rosa-Luxemburg platz de Berlin.

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