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Dès le troisième chapitre, le héros principal du livre Le mage du Kremlin, roman à succès multi primé et multi traduit de l’Italien Giuliano da Empori, Vadim Baranov (personnage fictif inspiré par Vladislas Sourkov, homme d’affaires épris de culture qui fut conseiller de Poutine) qui s’est éloigné du pouvoir, prend la parole et ne la quitte plus. Il raconte sa vie et, à travers elle, celle de la Russie, depuis le crépuscule de Boris Eltsine, jusqu’au choix de Poutine pour présider la Russie, choix décidé par l’oligarque et touche à tout Boris Berezovsky et quelques autres. Berezovsky bientôt en disgrâce partira se réfugier à Londres d’où il essaiera d’influer sur le sort de la Russie, on le retrouvera chez lui, pendu.
Le spectacle montre, ça et là, le règne - qui deviendra de plus en plus sans partage - du tsar Poutine, on le voit (trop brièvement) commencer à étouffer la société civile et réduire l’opposition à néant (assassinat , emprisonnements , loi des « agents de l’étranger »). On le voit aussi s’inquiéter de la popularité d’un Prigogine et fait taire la voix du puissant Khodorkovski en l’emprisonnant sous un fallacieux prétexte. Le « mage » finira par s’ éloigner du maître du Kremlin et par raconter son histoire à un journaliste français.
Roland Auzet dans son adaptation, casse ce système narratif et lui substitue des scènes qui explorent, via le livre, le fonctionnement du pouvoir russe autour de la figure du tsar naissant et son effrayante froideur (l'affaire des marins du Koursk, etc) . Poutine n’ est pas le personnage central du roman et du spectacle (il est interprété avec une froide pâleur propre à son personnage par l’acteur Andranic Manet), il est en chemin vers le pouvoir absolu. Roland Auzet préfère mettre l’accent sur le winner devenu looser, Boris Berezovsky (formidablement interprété par Hervé Pierre) croyant pouvoir manipuler l’homme du Kremlin comme une marionnette et finir en exil. Auzet se plaît plus encore à suivre les méandres y compris amoureux du mage, dont l’acteur Philippe Girard montre intensément les différentes facettes et humeurs.
On voit passer en coup de vent les Pussy riot (bien que leur nom ne soit pas mentionné), l’écrivain et nationaliste Limonov (Stanislas Roquette qui interprète également le journaliste français) fait un tour de piste tout comme Evgueni Prigogine (Jean Alibert, filmé). La mythologie de la « femme russe » fait ses gammes et se décline en plusieurs facettes, les actrices (Karinza Beuthe Orr, Irène Ranson Terestchenko, Claire Sermonne) font le job mais manquent de personnages consistance et de propos éclairants.
Le spectacle apparaît comme un entassements de séquences sans fortes articulations, un montage mou. Le tout entrecoupé de rares zakouskis récréatifs : on nous raconte l’entrevue entre Poutine et Merkel. Cette dernière a peur des chiens, Poutine le sait et en profite pour lâcher son labrador. Enfin, entre deux saillies sur l’état de la Russie, on suit le fil de l’histoire d’amour pas simple entre le mage et Ksenia.
C’est souvent bavard voire verbeux dans un décor piègeux et des effets de lumières rentre dedans. Le livre a plus d’allant.
Théâtre de la Scala, du mar au sam 21h, dim 17h. Jusqu’au 3 nov.