Le premier jour, on est arrivé trop tard pour monter dans Le camion de l’Archiduc conduit par le trio FGH . Myrtille Hezel tenait le volant avec son violoncelle ce qui n’est pas donné à tout le monde, le piano de Guilhem Gabre passait allégrement les vitesses et le violon de Boris Borgolotta avait l’œil sur le GPS. Avant de partir, ils avaient fait le plein de Ludwig von Beethoven. Ça roulait bien aux dires des rumeurs du bar de l’Aquarium. Leur camion va circuler tout l’été.
Après quoi, on avait rendez-vous avec des guêpes, celles qui obsèdent la pièce d’Ivan Viripaev Les guêpes de l’été nous piquent encore en novembre, joli titre et jolie pièce.
Ivan Viripaev l’a écrite en 2012, elle figure dans le tome Un de son Théâtre paru aux Éditions Les Solitaires Intempestifs, réunissant sept pièces écrites entre 2000 et 2012. Quel chemin entre la première Les Rêves et la dernière du volume, Les enivrés en passant par Oxygène ou Danse ‘Delhi’. La plupart des pièces ont été créées par Galin Stoev et toutes traduites par Tania Moguilevskaïa et Gilles Morel. Ces derniers avaient pressentis la puissance de cet auteur dés sa première pièce lorsque, venu d’Irkoutsk où il habitait, Viripaev l’avait présenté à Moscou à l’occasion d’un festival. C’était une autre époque.
Depuis Viripaev a écrit bien d’autres pièces alimentant le volume 2 de son théâtre. Et d’autres encore. Cinq de ses pièces se jouaient simultanément en Russie à la veille de la guerre en Ukraine. Aujourd’hui dans cette Russie de plus en plus refermée sur elle-même, les pièces de Viripaev -qui a manifesté son opposition à la guerre – ont été déprogrammées des théâtres où elles se jouaient partout en Russie , Viripaev a quitté la Russie, il vit désormais en Pologne.
L’écriture guêpe de Viripaev pique au vif les trois personnages qu’il met en scène : Elena (Sara), son mari Mark et leur ami Joseph surnommé Donald. Les deux premiers affirment que Markus (le frère de Mark) a passé la journée du lundi avec eux et Donald affirme que c’est avec lui que Markus a passé la journée. Chacun campe sur sa vérité. Qui ment ? Personne, semble-il. Mais où est donc la vérité ? Dans les détails comme le diable ? Dans un jeu d’omissions ? De dissimulations ? De mensonges? Un aveu va rebattre les cartes. N’en disons rien. Viripaev se délecte, nous aussi.
Le metteur en scène Yordan Goldwaser dispose les spectateurs sur trois côtés où une place du premier rang est réservée aux trois protagonistes qui viennent s’y asseoir de temps à autre mais aucun.e pas une place attitrée. C’est comme dans la pièce : ça tourne. La vérité est une chaise tournante. Bref, on l’aura compris, le charme de la pièce très retorses et difficilement résumable, tient dans les acteurs lâchés sans paravents ni accessoires sur l’aire du jeu.
Bien dirigés par Yordan Goldwater, bon organisateur de nuances, l’actrice Pauline Huruguen et les deux acteurs David Houri et Barthélémy Meridjen nous offrent un festival de belles modulations, chacun les siennes, du finaud au forcé, du franc au flan, du tic au troc.
Le festival Bruit continue : concerts, théâtre d’ombre, opéra, voire opéra-paysage itinérant, etc.
Le spectacle Viripaev se donne jusqu à ce samedi à 21h au Théâtre de l’Aquarium, il et sera à l’affiche du off avignonnais en 2024. Le Festival bruit continue jusqu’au 1er juillet.