Devant un public clairsemé, sur la scène d’un modeste théâtre de boulevard, Blanche Gardin, Pio Marmaï et Sébastien Chassagne jouent Le cocu. On ne sait pas de qui est la pièce et on s’en fout, on se demande, tant elle est médiocre, si elle tiendra les soixante représentations annoncées. C’est alors qu’un spectateur se lève, interpelle les comédiens en train de jouer.
L’acteur Raphaël Quenard (qui éclatait déjà dans Chien de la casse de Jean-Baptiste Durant) interprète magnifiquement ce personnage. Lequel dit se prénommer Yannick. Gardien de parking, il est venu de Melun, après avoir posé un jour de congé et, avant de reprendre son train, il tenait à se payer une soirée au théâtre. Il s’attendait sans doute à une pièce plus enlevée, plus drôle. Bref, il manifeste son mécontentement.
Brandissant un revolver, tenant en joue et en otage public et comédiens, il décide de prendre les choses en main, monte sur la scène et, bientôt, se met à écrire lui-même une pièce que les trois acteurs joueront. Ne disons rien des péripéties et de la fin du film. C’est un délice. Et tous les acteurs, Quenard en tête, sont à féliciter.
Quentin Dupieux travaille malicieusement la porosité entre la scène et la salle (où d'excellents acteurs comme Sacha Lolov interprètent des spectateurs), entre la vie et le théâtre.
Laurent Mauvignier, lui, est à l’affiche de la petite salle du Théâtre de la Colline, théâtre national. Romancier reconnu, auteur phare des Editions de Minuit, il a déjà écrit plusieurs plusieurs pièces, cependant aucune n’avait ni l’envergure ni l’ambition de Proches : huit personnages. De plus, Mauvignier signe la mise en scène, sa première.
Un vieux couple Didier (Gilles David) et Cathy (Norah Krief), leur fille aînée Malou (Charlotte Farcet) et son compagnon Quentin (Cyril Anrep) , la cadette Vanessa (Lucie Digout) et son compagnon Romain (Arthur Guillot) sont réunis. La famille attend la venue d’un fils, d’un frère Yoann ( Maxime Le Gac-Olanié) qui sort de plusieurs années de prison. Yoann a voulu réunir ses proches dont son ancien compagnon Clément (Pascal Cervo).
Cependant Yann n’en finira pas de ne pas arriver, bien qu' il rôde constamment sur le plateau où tout le monde est là en permanence. Difficile de ne pas penser à la structure de plusieurs des très belles pièces de Jean-Luc Lagarce. Mais on en est loin, très loin. Les dialogues effilochent, les personnages manquent de nuances ou de force hormis le couple parental (formidablement interprété), les tensions (parents/enfants, etc.) s'étiolent ou s'embrouillent comme le rapport présent/passé, etc. Enfin, la vérité du pourquoi Yoann a été en prison ne réussit pas à nous tenir en alerte. L’ennui gagne malgré le talent des actrices et des acteurs. Ah , si Yannick avait été dans la salle...Mauvignier est plus pertinent quand il met du théâtre en loucedé dans ses excellents romans.
Yannick, en salle actuellement
Proches, au théâtre de la Colline (petite salle), du mer au sam 20h, mar 19h, dima 16h, jusqu’au 8 oct. Les 12 et 13 oct au Théâtre du Bois de l’Aune à Aix-en-Provence, le 19 oc ai Trident de Cherbourg. Le texte de la pièce est publié aux Éditions de Minuit.