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Il y a trois ans, chez Gallimard, Bartabas publiait Les cantiques du corbeau, un ensemble de vingt chants réenchantant âprement l’aube de l’humanité . On sait l’importance du corbeau dans de nombreuses mythologies et récits chamanistes. Bartabas déploie sa voix et son corps, tour à masculins et féminins, bref animal.
« Je suis venu de l’eau et me voici sur terre » commence-t-il au premier chant, celui de la naissance. Le quatrième chant, celui de l’union commence ainsi : « je n’étais réfugié sur la dernière branche de l’arbre perdu au milieu des roseaux », le fauve qui guette sa proie, s’approche, « d’un coup de patte, il m’a retournée et deux cuisses nerveuses se sont collées contre mes hanches ». Au huitième chant, celui de la résurrection, une chienne reste attachée à un chien resté fidèle, un matin ce dernier revient lacéré par une hyène, la chienne le veille puis « quand il s’est figé sans retour, je lui ai ouvert la poitrine et lui ai mangé le cœur et le foie, que j’ai remplacés par des chardons ».
Au dixième chant, celui qui raconte fait alliance avec des hyènes des « guerrières » au « rire diabolique» et faisant la chasse aux gnous. Le narrateur en tue un d’une pierre entre les deux yeux. « Alors en signe de respect, les guerrières en arrêt, sans même se concerter, m’ont laissé la primeur du festin ». Empreinte, le quinzième chant, s’achève ainsi : « Cette année là, à la sortie de l’hiver, un ours a pénétré la grotte. Il m’a surpris hébété marchant à quatre pattes. Il s’est jeté sur moi, et après m’avoir arraché la tête, s’en est repu, puis il a affûté ses griffes sur les fresques pour que nul ne puisse déchiffrer l’histoire de ce deuil inconsolé ». Le vingt deuxième chant et dernier chant est celui du « dernier voyage ». « Éléphant à genoux, licorne debout, cheval ensellé, guépard alangui ou chien errant; jamais je n’ai vraiment su quel animal j’étais ». Une « femme pale » viendra l’apaiser, saluée par « le cri victorieux du corbeau ».
Sur la piste circulaire du cirque Zingaro recouverte d’une mince pellicule d’eau passeront comme des lueurs, une théorie de chevaux au galop sans cavaliers ou harnachés de squelettes, au centre de la piste, sur un îlot, se dresseront des masques et des visages venus de loin, apparaîtra comme dans un rêve une danseuse balinaise (Kadek Puspassat) ou un bouc masqué (Cécile Kretschmar), autant d’éléments saisissants et enchanteurs en contrepoint des récits.
Et puis il y a la musique omniprésente et joiement entraînante sur une double estrade, celle des musiciens du Pantcha Indra au double répertoire javanais et balinais. Eux aussi masqués (Pamela is dead), les musiciens accompagnent merveilleusement et sans discontinuer la soirée.
Une belle soirée malheureusement écornée par la façon souvent exécrable dont sont dits la plupart des textes extraits des Cantiques du Corbeau. Il manque une flèche au carquois bien fourni du maître de Zingaro : la direction d’acteurs.
Les cantiques du Corbeau, un spectacle du cirque équestre Zingaro conçu par Bartabas, les mer, jeu, ven et sam à 19h30, dim 17h30à 19h30. Jusqu’au 31 déc
Le livre publié chez Gallimard est désormais disponible en folio