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Billet de blog 17 janvier 2016

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L’Allier, département de destruction massive du tissu culturel

Les temps sont durs pour les petites structures, les associations culturelles qui, de bourgades en villages, travaillent au cœur des régions. Leurs subventions sont souvent revues à la baisse. Le département de l’Allier les a carrément supprimées. Pour favoriser « l’événementiel ».

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Partout en France, des compagnies de théâtre, de danse, des lieux d’exposition tressent, localement et régionalement, les fils d’un tissu culturel. C’est, bien sûr, le cas dans l’Allier, haute terre de la Résistance. Il y a là un paysage qui s’est façonné au fil des années et qui a engendré des activités multiples. Des spectacles bien sûr, mais pas seulement ; des expositions, des ateliers, des résidences d’artistes, des compagnonnages, des fidélités.

Du tissu au désert

Grâce aux mythiques « rencontres d’Hérisson » et à la présencedes « Fédérés » (Jean-Louis Hourdin, Jean-Paul Wenzel et, enfant du coin, Olivier Perrier) pour ne citer qu’eux, l’Allier a attiré bon nombre d’artistes comme le Footsbarn théâtre ou la compagnie la Belle Meunière de Pierre Meunier. Ce dernier a récupéré « le Cube » d’Hérisson (ouvert en1989), une structure de production, unique en France, installée au milieu des champs, où nombre de compagnies viennent répéter. Le Centre dramatique national de Montluçon, né des Fédérés, et rebaptisé le Fracas, est dirigé depuis peu par Carole Thibaut. Bref, le département de l'Allier n’est pas un désert culturel. Va-t-il, sous peu, se désertifier ?

C’est ce que craignent les nombreux signataires d’une lettre adressée le 20 décembre dernier à Gérard Dériot, président du conseil départemental, et à Pierre Sébastien Laloy, vice-président « chargé de la culture, du patrimoine, de l’enseignement supérieur, de la mémoire et de la jeunesse ». Ils y font part de leur « sidération » au vu des résultats de la session du conseil départemental qui, fin décembre, par ses décisions, acta « la disparition pure et simple de toutes les aides à toutes les compagnies du département, ainsi que la quasi-disparition des aides à la résidence et des aides à la diffusion ».  

Là, comme ailleurs, les élus s’abritent derrière le bouclier des « économies à réaliser en 2016 ». Les choix opérés montrent, en fait, un changement d’orientation qui privilégie le ponctuel, l’événementiel. Au détriment de la création, de l’implantation durable. L’effet immédiat contre le patient questionnement.

Du présent au passé

Tandis que l’on raye l’aide à la diffusion et aux résidences d’artistes, est créé un dispositif d’« aide à l’organisation d’un événementiel » (à raisond’un par an par commune) qui sera piloté le plus souvent par les élus. De même, est créé un dispositif de « soutien aux festivals », lesquels sont toujours de courte durée. D’un côté, on vise implicitement un immédiat rendement médiatique tandis que, d’un autre, on supprime la ligne budgétaire d’aide aux compagnies professionnelles de théâtre dont le travail pourrait faire événement. Paradoxe. On voit mal comment ces compagnies, privées de leur subvention, pourront sortir un spectacle de leur chapeau pour nourrir le miroir aux alouettes de l’« événementiel ».

Les artistes, ces gens imprévisibles, et les associations, au caractère indépendant, font peur, semble-t-il. On vote un budget pour le réseau de médiathèques départementales mais, dans le même temps, on abroge les subventions aux « associations à caractèreculturel, scientifique, artistique et en lien avec la lecture publique ». On privilégie le passé plutôt que la création au présent : d’autres lignes budgétaires font la part belle à tout ce qui relève du patrimoine. Il faut aussi voir là une forme du repli identitaire avec son cortège de peurs, de fantasmes et de quant à soi. Qu’en pense la forêt de Tronçais ?

Tout cela semble s’être décidé sans concertation. C’est d’ailleurs ce que réclament les signataires d’une pétition à l’initiative du collectif ATC (Allier-Culture-Territoire) : la création d’un groupe de travail incluant élus et professionnels. Un lieu de dialogue. Il serait temps.     

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