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Billet de blog 18 mars 2025

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« Subjectif lune », un spectacle qui décolle et décoiffe

Dans leur nouveau spectacle « Subjectif lune », la compagnie nantaise les Maladroits met en scène, avec adresse, drôlerie et bidouillage, le premier pas de l’homme sur la lune et s’interroge sur les complotistes qui doutent de la véracité de cet événement mondial. Caustique et hilarant, ça fuse !

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Illustration 1
Scène de "Subjectif lune" © Pierre Grosbois

Ils sont trop jeunes pour avoir été scotchés comme leurs parents et grands parents devant un poste de télévision en noir et blanc et avoir vu un cosmonaute américain mettre, le premier, un pas sur la lune et prononcer une phrase historique, qui sait, peut-être préalablement écrite par un scénariste d’Hollywood. Cet événement les a fait rêver. Mais est-ce bien un événement ou bien une une mise en scène en studio imaginée par la NASA comme des complotistes le prétendent ? Leur spectacle Subjectif lune explore toutes les pistes.

Tout commence par l’assemblage sur la scène d’une fusée haute comme un pommier, puis on en vient à l’équipement du cosmonaute, fabriqué, comme le reste, avec des objets récupérés et détournés de leur usage. Un aspirateur sert à gonfler d’air la combinaison du cosmonaute, un bout de plexiglas tient lieu de visière et de casque, des fils circulent ici et là, etc. A ce bric-à-brac, se mêlent de vraies images d’archives et c’est parti. Pour la lune.

Un voyage qui passe par la salle de contrôle de la NASA et par un tuyau que l’on dirait d’arrosage . Grand moment que celui du faux-vrai décollage. Le cinéaste Stanley Kubrick, auteur du fameux 2001, l'Odyssée de l'espace est invité sur le plateau, haut-parleur en main, comme conseiller technique. Avec une caméra vidéo, on entre dans la cabine étriquée, l’apesanteur joue les guests stars devant la caméra. Enfin, arrive le moment tant attendu de l’alunissage à l’aide d’un escabeau comme il y en a dans bien des foyers, Amstrong ou son double descend de la station spatiale (dissimulée dans les cintres du théâtre), . Moment historique reconstitué avec les moyens du bord : le voici, au pied de l’escabeau qui son gros godillot sur le sol lunaire, soit une table avec du sable (précédé par un magnifique ballet de pelletées du dit sable ) formant les fameux petits cratères, le tout à la fois visible et filmé en vidéo. On s’y croirait et on y croit. C’est d’autant plus vrai que c’est faux.

Alors le spectacle peut explorer les chemins retors du complotisme et rien de tel que le théâtre -ce temples du comme si- pour cela. D’ailleurs qu’est-ce que la lune sinon un gros ballon. Autre source du spectacle, Opération lune de William Karrel, « un documentaire jouant le vrai-faux parti pris que les images du premier pas sur la lune ont été tournées en studio et réalisées par Stanley Kubrick avec la complicité de la NASA sur fond de guerre froide » expliquent les quatre piliers de la compagnie .

Benjamin Ducasse, Hugo Vercelletto, Valentin Pasgrimaud et Arno Wögerbauer forment le collectif artistique de la compagnie les Maladroits basée à Nantes et soutenue par le grand T. Tous sont comédiens et metteurs en scène, et disent faire du « théâtre d’objet ». De fait, ils ne partent d’une œuvre ni même d’un texte, mais d’un bout d’histoire ou d’un questionnement avant de concevoir et imaginer ensemble leurs spectacles avec un goût prononcé pour la récupération d’objets, de machines et leur recyclage ou détournement ; l’humour, chez eux, est un signe de vie..

Pour Subjectif lune, ils ont fait appel, comme pour leur précédent spectacle, à Marion Solange-Malenfant pour la dramaturgie et la direction d’acteurs et à Tiphaine Monroty pour le scénographie. Autres fidélités, celles d’Erwan Foucault et Jessica Hemme pour le son et la lumière, celle de Sarah Leterrier pour les costumes. Le vidéaste Eric Perroys les a rejoint pour Subjectif Lune .

Leur premier spectacle en 2010 avait pour titre, emblématiques de la suite, Prises multiples, le second, trois ans plus lard Les petites formes brèves relativement courtes, un titre qui en dit long

En 2016 leur spectacle Frères mettait en scène deux frères racontant une famille espagnole depuis la guerre d’Espagne, la prise de pouvoir de Franco et jusqu’à l’exil en France , le tout raconté dans une cuisine avec du sucre et du café. Deux ans plus tard, Camarades suivait l’histoire de Colette entre mai 68 et les années 70, avec des craies blanches et un nuage de poussière. Joueurs en 2021 traversait le conflit israélo-palestinien à travers Thomas de retour de Cisjordanie et son ami Youssef resté en France dans son atelier. Les deux loustics bricolant leur récit « avec du bois, des briques, des théières, avec tout ce qu’ils ont sous la main ». Ces trois derniers spectacles formant un triptyque sur trois générations entre engagement, utopie et héritage Et donc, aujourd’hui, le jubilatoire Subjectif lune.

Créé au Sablier d’Ifs en octobre dernier, Subjectif Lune vu récemment au Quinconces-L’espal du Mans, poursuit sa tournée : du 19 au 21 mars au Trident de Cherbourg-en-Cotentin ; les 27 et 28 mars au Bateau Feu de Dunkerque ; du 9 au 13 avril au Théâtre Forum Meyrin avec le TMG, Théâtre des Marionnettes de Genève (Suisse) ; du16 au 18 mai au Théâtre Silvia Monfort à Paris ; du 21 au 23 mai à la Condition Publique avec La rose des vents à Villeneuve d’Ascq.

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