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Grande actrice libanaise, Hanane hajj Ali avait fait ses débuts à la fin des années 70 au fameux théâtre Hakawaki ( le théâtre du conteur) qui a beaucoup tourné et est venu souvent en France. En 2017, elle écrit et interprète Jogging, un spectacle (mis en scène par Eric Deniaud) qu’elle allait promener dans bien des pays. Il était à l’affiche du festival d’Avignon, il y a deux ans, le voici de retour.
Après une série de représentations à la MC93, il est à l’affiche du Théâtre Silvia Monfort dans le cadre de « Paris Globe », un nouveau festival de théâtre international appelé à durer et réunissant sept théâtres parisiens subventionnés : Bastille, Concorde (ex Cardin), Plateaux sauvages, Silvia Monfort, Théâtre 13, Théâtre 14 et Paris-Villette. Seront à l’affiche, hélas pour deux soirs seulement (ce qui interdit tout bouche à oreille et tout suivi critique) à l’exception de Jogging, des spectacle venus d’Espagne, du Cameroun, du Mali, de Hongrie, du Québec, du Chili, d’Angleterre, d’Italie et d’Ukraine. Le festival se tiendra du 21 au 31 mai (informations et réservations sur parisglobe.fr).
Tandis que les derniers spectateurs s’installent, l’actrice libanaise, vêtue de noir, échauffe se voix en multipliant les gutturales de mots on ne peut plus divers ayant une même racine ce qui occasionne des rapprochement joyeusement incongrus. Puis elle demande à une personne du public de lire un texte où l’actrice précise qu’elle est l’autrice du texte qu’elle va interpréter et que ce texte n’a pas été soumis aux autorités et au comité voué à la censure de son pays, et qu’il est donc illégal au Liban.. Après quoi elle reprend ses vocalises et commence son jogging, celui nous dit-elle, d’une « citoyenne dans la cinquantaine » qui fait « son jogging tous les matins dans Beyrouth, pour éviter le stress et l’ostéoporose »
Chemin faisant, via des faits divers qui l’ont marquée, elle nous parle de Médée, un rôle qui l’« obsède depuis longtemps ». Elle parle du film de Pasolini, de la version donnée par Vassiliev avec Valérie Dréville, etc.
Elle évoque longuement le cas d’une libanaise qui a fait avaler de la mort aux rats à ses filles et qui a ensuite mis fin à ses jours en laissant à son mari un dernier message vidéo. Message qui lui fait penser à la dernière lettre laissée par Virginia Woolf avant d’entrer dans la rivière et de se laisser emporter. D’autres exemples du même acabit suivront. Médée l’obsède, la poursuit, entre en elle , « toi le monstre qui rampe sur mon corps, lèche-moi, renifle-moi, mordille-moi, suce-moi et prends-moi toute entière ». Avant de prendre du recul : « qui est Médée aujourd’hui ? Moi ? Vous ? Beyrouth ? Ce monde qui n’arrête pas de sombrer dans la violence ? ». A la fin, l’actrice poursuit son jogging avant d’entamer une discussion avec le public venu nombreux un après midi de semaine à la MC93.
La salle du CDN de Tours était pleine le soir de la première du spectacle de la compagnie Animal architecte Les forces vives. Le mot force étant présent dans d’importants ouvrages mémoriels de Simone de Beauvoir (après Les mémoires d’une jeune fille rangée, La force des choses puis La force de l’âge), lesquels, avec des à côtés, constituent la base du nouveau spectacle de la compagnie Animal architecte (co-dirgée par Camille Dagen et Emma Depoid) après les mémorables Durée d’exposition (lire ici) ou Bandes (lire ici). « Non pas une adaptation, non pas une mise en fiction du récit autobiographique, non pas un biopic» insiste Camille Dagen. Alors quoi ? « Un spectacle, c’est à dire une forme fidèle mais autonome, une mise en regard » poursuivait-elle au début du travail, en septembre 2022. Elle, son associée Emma Depoid qui signe la scénographie évolutive, et son équipe en étaient alors « au début du désir. Au moment où on ramasse du petit bois, où on cherche des allumettes, silex, briquets et surtout où l’on dégage l’espace pour le feu qu’on espère bâtir. On débroussaille, on délimite » écrivait-elle. Le spectacle serait au bout du cheminement fait de sentiers intuitifs, de repentirs, de débordements , de foucades, d’impasses et de jaillissements.
La première a eu lieu au théâtre du Maillon à la mi-mars, un souvenir heureux. S’en est suivi un trop long temps de vide avant la reprise difficile à la mi-mai à Tours sur une scène trop étroite, deux mois plus tard. Dans ce trou noir, le spectacle a-t-il perdu de sa vigueur, de sa cohérence, s’est-il affadi, fané, a -t-il bifurqué? Il nous a semblé écartelé. « Je rêve d’un spectacle qui vibre, bouge, tremble, résiste avec lucidité à des obstacles lourds, à ces peurs qui sont dans nos vies à tous mais que Beauvoir a fait l’effort d’alchimiste d’arracher aux limbes pour les mettre en mots » écrivait Camille Dagen. On reverra Les forces vives à la rentrée pour mieux en parler.
Jogging sous titré « théâtre en chantier », après la MC93 du 15 au 19 mai, le spectacle sera du 22 au 25 mai au théâtre Silvia Monfort dans le cadre du festival Globe.
Le texte en trois langues (arabe, anglais, français) est auto publié par Hanane Hajj Ali en collaboration avec Eric Deniau et Abdullah El Kafri. 10€ et plus.
Les forces vives, création de la compagnie Animal Architecte écrit et mis en scène par Camille Dagen d’après les textes autobiographiques de Simone de Beauvoir sera à l’automne au Phénix de Valenciennes, à la Comédie de Reims et à l’Odéon, Théâtre de l’Europe.