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Le canadien Michel Marc Bouchard est l’auteur d’une bonne vingtaine de pièces dont plusieurs ont été adaptées au cinéma. Aucune n’a connu l’énorme répercussion de Tom à la ferme, traduite, mise en scène et publiée dans une douzaine de pays. La pièce a été créée au Québec en 2011, adaptée au cinéma par Xavier Dolan trois ans plus tard. Publiée en France, plusieurs fois montée, c’est par sa version brésilienne Tom na fazenda, créée à Rio de Janeiro en 2017 et souvent primée que nous gifle, haut et fort, cette pièce que la troupe brésilienne ne cesse de jouer de par le monde. Après son légitime succès au dernier festival d’Avignon off , le spectacle, actuellement à l’affiche du Théâtre Paris-Villette, fait salle comble.
Tom a a perdu son amant dans un accident. Ce fils de la ville vient pour la première fois dans une campagne éloignée du Brésil assister aux funéraille de son amant. La mère ignore tout de l’orientation sexuelle de son fils, le frère, lui, la connaît et surtout ne veut pas que Tom en parle à leur mère. Sous le regard incrédule de la mère ou feignant peut-être de l’être, deux hommes s’affrontent. Le frère et l’amant du mort.
Exaspération des corps et mensonge des mots . La boue qui recouvre de plus en plus le plateau est comme la figure de ce mensonge lequel va sa traduire dans une violence de plus en plus exacerbée. La violence faite par le frère Francis, butor buté et viril, sur le corps frêle mais musclé de Tom n’a d’égale que l’attirance refoulée qui les attire vers et contre l’autre. Le désir engendre la violence et inversement, la sauvagerie et la bestialité compte les points. Pas de décor notoire où se raccrocher sur ce sol de plus en plus glissant comme le sont les personnages : le frère, Tom la mère et, sur le tard, une jeune fille victime expiatoire. Les gestes disent ce que les mots ne peuvent pas dire. Entre attirance et répulsion, mensonge et vérité, les corps oscillent. Jusqu’à la mort. « Avant d’apprendre à aimer , les homosexuels apprennent à mentir » commente l’auteur québécois , Michel Marc Bouchard.
« Trouver des ressemblances avec ce texte dans le contexte brésilien fut facile. Du côté du Brésil patriarcal, toute personne pouvant déstabiliser la triade famille-église- propriété est considéré comme un ‘ennemi national’, pour le maintien des privilèges d’une classe dominante principalement agraire, qui est aux commandes de ces espaces ruraux depuis cinq siècles. Tuer ceux qui perturbent ce système est, d’une certaine manière, légitime et tacitement autorisé dans un pays où la vie des femmes et des personnes pauvres, noires, autochtones, handicapées, âgées, lgbtqia+, ne vaut presque rien » note le metteur en scène du spectacle Rodrigo Portella. « Tom na fazenda va au-delà d’une simple performance artistique, c’est un geste politique dans le contexte brésilien actuel, dans un pays qui tue le plus d’homosexuels au monde » complète Armando Babaioff, traducteur de la pièce et l’un de ses excellents acteurs en compagnie de Soraya Ravenie, Gustavo Rodrigues et Camila Nhary.
Tom na fazenda, en portugais brésilien surtitré en français, au Théâtre Paris-Villette à Paris jusqu’au 1er avril. La pièce est publiée aux Éditions Théâtrales.