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Il était donc une fois un enfant comme les autres qui, né en 1809, se prénommait Louis et s’appelait Braille. Son père travaillait le cuir. Un jour, à l’âge de trois ans, en s’amusant avec une alêne de son père, un faux mouvement, et l’alêne atteint l’œil qui s’infecte. L’infection gagne le deuxième œil, de fil en aiguille et de mal en pis, l’enfant perd complètement la vue.
Louis Braille gardera de ce bref séjour dans le monde des voyants, une brassée de sensations, des lueurs, des odeurs. Mais de là aussi, peut-être, puise-t-il une force incommensurable qui lui vaudra par la suite de vaincre bien des adversités.
Très jeune, Braille invente une écriture tactile qui permet de lire des livres mais aussi de la musique. Les enfants non-voyants l’adulent, il n’en va pas de même de certains adultes férus d’institution et d’idées toutes faites, qui, profitant d’une moment où Braille est malade, en profitent pour brûler les livres qu’il a transcrit via sa méthode. Ils iront jusqu’à interdire l’usage de l’alphabet tactile inventé par Louis pour ses pairs. Braille aura finalement gain de cause et son écriture pour non voyants fera le tour du monde.
« C’est l’histoire d’une obstination qui bute contre l’institution » et « c’est l’histoire d’une intuition lumineuse, menacée par l’ordre établi et le monde suffisant des adultes, mais sauvée par les enfants » écrivent Pascale Ardillon et Frédéric Tétart qui cosignent la mise en scène et co-dirigent la compagnie l’Atelier Hors-champ basée au Mans.
Avec leur équipe, ils ont mené des ateliers croisés, voyants-non-voyants, pour enrichir la narration et déployer le rendu visuel et sonore très inventif du spectacle, un travail sur tous les fronts et dans un constant échange qui caractérise leur démarche.
La compagnie L’Atelier hors-champ a été créée au Mans en 2001. Avec des spectacles sur des textes allant de Koltès à Michaux, d’un film d’Eustache aux Cahiers de Nijinski. Frédéric Tétart a rejoint la compagnie en 2008. Nandillon & Tétart se sont alors penchés sur des écriture allant de Stramm à Savitzkaya, d’ Annette Libotte à Gertrude Stein.
Leurs spectacles sont créés au Mans, le plus souvent au Théâtre des Quinconces-L’Espal (Scène nationale) où encore à la Fonderie du Mans, la compagnie entretenant une relation d’amitié et de proximité avec le Théâtre du Radeau. D’ailleurs, en allant voir Le verso des images, j’ai eu l’impression que l’ombre fraternelle de François Tanguy, disparu il y a peu, rôdait dans les coulisses de ce spectacle dont il avait dû aimer l’espace fait de déconstruction et reconstruction, la narration non linéaire, le jeu fluide des deux actrices, Sophie Pernette et Aglaé Bondon, la musicalité visuelle et sonore du tout. Ce spectacle avait été accueilli à la Fonderie en mars dernier, après la création Au Théâtre des Quinconces en octobre 2022. Il a tourné ici et là.
La tournée s’achève cette semaine à l’Échangeur de Bagnolet. Il serait dommage que son périple s’arrête si tôt. Voyants et non voyants, beaucoup devraient l’avoir vu et pas seulement les enfants. Un spectacle qui nous touche car il touche juste. Dans le programme Nandillon et Tétart citent le propos d’Omar, un enfant non-voyant qu’ils ont rencontré : « je crois que je peux vous expliquer ce que c’est que le toucher. Quand vous touchez un pétale de rose sans voir, il y a du velours, du parfum, et je vois une couleur. C’est ça quand on touche une fille qu’on aime ».
Théâtre de l’Échangeur de Bagnolet , dernières représentations demain vendredi à 14h30, et samedi à 14h30 et 16h . durée 1h15, dès l’âge de 9 ans.