jean-pierre thibaudat (avatar)

jean-pierre thibaudat

journaliste, écrivain, conseiller artistique

Abonné·e de Mediapart

1394 Billets

0 Édition

Billet de blog 22 mai 2025

jean-pierre thibaudat (avatar)

jean-pierre thibaudat

journaliste, écrivain, conseiller artistique

Abonné·e de Mediapart

Gabriela Carneiro da Cunha à l’écoute des fleuves blessés d’Amazonie

Il faut écouter les rivières amazoniennes, nous dit Gabriela Carneiro da Cunha. Elles ont des choses à nous dire. Leurs eaux précieuses sont souvent meurtries par la folie destructrices des hommes. Nouées de mémoires, elles n’oublient rien. *

jean-pierre thibaudat (avatar)

jean-pierre thibaudat

journaliste, écrivain, conseiller artistique

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

En 2014, Gabriela Carneiro da Cunha et son équipe brésilienne sont allées écouter l’Araguaia, une rivière. Elle leur a parlé des femmes qui avait lutté et souvent péri au temps de la dictature. Puis elles sont allées écouter la rivière Xingu qui leur a raconté les chantiers meurtriers lors de la construction du barrage de Belo Monte. Plus récemment, en 2022, elles sont allées le long du rio Tapajós dont les eaux sont contaminées par le mercure utilisé par les orpailleurs sauvages. Le mercure est absorbé par les poissons lesquels constituent la nourriture première de la population. Chaîne impitoyable de la contamination. De l’or pour les uns, de longues maladies pour les autres, à commencer par les enfants dans le ventre de leur mère. Et c’est ce dont parle le nouveau spectacle de Grabriela Carneiro da Cunha  Tapajós, tudo quanto é rio ele tem mãe (toute rivière a une mère).

Gabriela Carneiro da Cunha et ses amies étaient à l’assemblée Mercurio dans le territoire Munduruku de Sawre Muybu. Elles ont écouté le Dc Paulo Basta détailler le processus de la contamination au mercure dont les ravages sont immédiats et à longe terme.

«  Après l’annonce de ces résultats, raconte Gabriela Carneiro da Cunha, les femmes munduruku, tristes et en colère, ont pris le micro et l’une de leurs leaders, Maria Leusa Meuduruku, a crié qu’elles se battraient pour leur territoire, leur rivière et leurs utérus malades ». Puis Gabriela s’esr rendues au festival de Sairé dans un région plus éloignée des mines sauvages où les eaux sont cependant aussi contaminées, là même où se déroule . « L’une des fêtes les plus belles et vibrantes du Brésil »  juge Gabriela Carneiro da Cunha, c’est aussi l’une des plus anciennes. Catholiques et peuple Borari s’y côtoient. En commun, le fleuve, le rio Tapajós, la mère qu’est ce fleuve et, au-delà, toutes les mères.

C’est pourquoi avant que l'on entre pour assister à Tapajós, Tudo quanto é rio ele tem mãe (toute rivière a une mère), Gabriela demande à neuf « mères » volontaires du public de l’assister. On entre alors dans la pénombre et on prend place sur deux gradins qui se font face.

Tout se passe comme si les fleuves amazoniens en complicité avec Gabriela jouaient ensemble sur les sens du mot révélation en mettant en avant l’aspect photographique du terme.Su l’espace rectangulaire entre les deux gradins du public, sont disposés sur le sol, des bacs rectangulaires comme on en trouve dans les laboratoire qui développent de la photo argentique. On les remplit de liquide, un révélateur. On plonge alors dans ces bacs de grandes feuilles photo-sensible sur les lesquelles apparaissent des visages, des paysages, etc. Moment doux, magique, affectif. Mais aussi douloureux. Les photos n’étant pas fixées , les images disparaissent. En off , une voix dit les luttes, les combats gagnés et d’autres perdus, la lutte obstinée, les solidarités.

S’en suit, presque pour finir, une sorte de faux vrai rituel théâtralisé moins convainquant, destiné à ceux qui, dans le public, veulent « participer ». C’est aussi sincère qu’artificiel. Mais l’essentiel est ailleurs. Henri Calet, Julien Gracq et bien d’autres nous ont appris la beauté et le charme des rivières et des fleuves d’antan. Gabriela Carneiro da Cunha, elle, à l’écoute des mères que sont les rivières de l’Amazonie d’aujourd’hui , nous invite à mieux les entendre.

Théâtre de Vidy-Lausanne, dans le cadre du parcours Tempo Forte, jusqu’au 24 mai, jeu et ven 19h sam 15H.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.