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Billet de blog 22 octobre 2021

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Je suis Hilda, c’est moi Hilda

Ces mots vous ne les entendrez pas en allant voir « Hilda » la première pièce de Marie NDiaye montée une nouvelle fois par Elisabeth Chailloux. On ne parle que d’elle mais elle n’apparaît pas. Tout se concentre autour de madame Lemarchand , celle qui veut Hilda, intensivement interprétée par Nathalie Dessay.

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Illustration 1
Scène d'"Hilda" © Jean-Louis Fernandez

Hilda, Hilda, Hilda, le prénom obsède la pièce dont le titre est Hilda..C’est le prénom d’une femme dont les trois personnages parlent tout le temps et que l’on ne verra jamais. Celle que l’on voit tout le temps, c’est madame Lemarchand, une grande bourgeoise provinciale, mère de plusieurs enfants comme Hilda elle-même . Elle veut Hilda, elle la veut à à son service, elle veut « une femme de corvée et de devoir, une femme de service » . Elle a eu des tas de jeunes femmes pour s’occuper de son logis et de ses enfants, elle n’en a plus. La dernière est retournée au Mali elle veut Hilda, elle l’aura, c’est ce qu’elle dit au mari d’Hilda, Monsieur Franck Meyer, dès la première scène.

Ainsi commence Hilda, la première pièce publiée par Marie Ndiaye en 1998 aux éditions de Minuit, après six romans. Un troisième personnage apparaîtra par la suite, Corinne, la sœur d’Hilda. Madame Lemarchand, n’a jamais vu Hilda, elle la veut elle et personne d’autre. « Et le plus tôt possible » «  Hilda aura la chance de servir chez des gens de gauche » insiste madame Lemarchand, «Je suis une maîtresse de gauche, humaine, décontractée ; facile à contenter ». Rien de plus faux mais elle se persuade de ce qu’elle dit. «  Hilda, Hilda, Hilda ! «  répète t-elle comme une incantation » Marie Ndiaye campe là un personnage complexe, contradictoire tiraillée entre ce qu’elle est profondément et ce qu’elle voudrait être ou du moins paraître. Une femme en manque. D’amour

Nathalie Dessay fait son miel de ce personnage vampirique dans une mise en scène sobre d’Elisabeth Chailloux (qui avait déjà monté la pièce en 2008 au Théâtre des quartiers d’Ivry), L’actrice accompagne parfaitement le mouvement implacable que l’autrice donne à son personnage, degré par degré, ce que l’actrice traduit par petites touches physiques . Madame Lemarchand, la bien nommée, va s’approprier Hilda, l’installer chez ellejusqu’ à proposer de la revendre ponctuellement à son mari Franck. Face à elle, Franck oppose une colère rentrée et Corinne la sœur d’Hilda son franc parler sans conséquence, deux rôles excellemment interprétés par Gauthiet Baillot et Lucile Jégou. Mais leurs personnages ne font pas le poids. Si bien qu’aujourd’huila pièce peut paraître quelque peu déséquilibrée, entre celle qui a les mots et ceux qui ne les ont si peu. Cependantle piège que met en place Marie NDiaye est tel qu’elle laisse au bout du compte tout le monde anéanti.

Hilda va sombrer, étouffer sa haine, empêtrée dans les rets de madame Lemarchand qui connaît les pouvoirs pervers de l’argent. Franck et Corinne feront front commun jusqu’à vivre ensemble. L’union cependant ne fait pas leur force ni ne nourrit leur révolte mort née . « Ne revenez plus ici » seront les derniers mots que Franck adressera à Madame Lemarchand venue les inviter à déjeuner, alors que Hilda vit à demeure chez elle. La folie possessive de cette femme frustrée la verra adopter la façon qu’avait Hilda de faire osciller ses longs cheveux avant que Madame Lemarchand, autoritairement, ne lui les coupe.

Créé au TNS , le spectacle se donne à Paris aux Plateaux sauvages jusqu’au au 30 oct, du lun au ven 20h, sam 17h

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