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Amadoca est un mot dont les sonorités s’émondent au fil du temps. On en trouve trace chez Hérodote. Le mot désigne un lac immense qui couvrait une grand partie de ce qui plus tard deviendra l’Ukraine. Les cartographes médiévaux en font mention. Et puis le lac disparaît des cartes et des récits. Peut-on naître, disparaître et renaître ?
C’est l’un des questions qui traverse Amadoca, un roman de l’Ukrainienne Sofia Andrukhovych qui sera publié en traduction française dans quelques mois chez Belfond. En accord et en complicité avec l’autrice, le roman a fait l’objet d’une adaptation scénique, aujourd’hui traduite en français par Jules Audry et Yurly Zavalnyouk, mise en scène par le premier avec la complicité de Carine Coron, joué par le second avec pour partenaire l’actrice Alexandra Gentil. Une belle et juste distribution
Dans un hôpital ukrainien un homme, Bordant sur un lit, le visage mutilé, méconnaissable, se lamente. Il est comme à côté de son corps et les mots ne l’atteignent pas : « je les entends mais ils ne signifient rien ». Une femme à ses côtés, Romane, essaie de le sortir de sa torpeur, de son anéantissement. Elle ne le reconnaît pas, il est trop défiguré pour cela, mais elle est persuadé que c’est son mari, lui aussi disparu au front, et dont elle est sans nouvelles. Elle parvient à persuader la direction de l’hôpital de pouvoir l’emmener chez elle, chez eux à ses yeux, essayer de voir Bohdan rétablir le contact avec son ancienne vie. Mais est-ce bien son mari ? Elle en est persuadée, lui beaucoup moins : il ne reconnaît rien. Il a oublié le mot « cagibi » qui lui était cher. Mais à l’évocation de sa grand-mère, une brisure apparaît.
Et nous voici transportés dans l’histoire de cette grand-mère Oulyana. A onze ans, elle décide de voir la shehita, le rite d’abattage juif. Un garçon la regarde, c’est Pinhas, le dernier fils du boucher juif, ses frères et sœurs ont été massacrés par l’Armée rouge. Les voici partis tous les deux sur une barque. Les années passent, les nazis envahissent le village. Oulyana a 22 ans, elle cache Pinhas sous le plancher de sa maison. N’en disons pas plus.
La seconde partie d’Amadoca doit être créée l’an prochain au théâtre national Ivan Franko de Kyev dans une mise en scène de Jules Audry qui raconte avoir appris l’ukrainien en écoutant les acteurs mémoriser le texte de Felix Austria, un autre roman de Sofia Andrukhovych qu’il a également mis en scène. Jules Audry a été formé à l’ESAD, il a signé quelques mises en scène en France et pour finir en Ukraine où il a été nommé, il y a cinq ans, directeur artistique du théâtre national Ivano-Frankivsk.
Amadoca au TNP à 20h, jusqu’ au 24 oct