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Billet de blog 23 septembre 2025

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Jon Fosse entre à la Comédie-Française

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Illustration 1
La première de courtes pièces de Fosse © dr

Hormis une lecture précoce de sa pièce Quelqu’un va venir en 1987 dans le cadre des Samedi du Vieux-Colombier (pièce que Claude Régy devait monter ailleurs, plus tard), Fosse n’a jamais été joué sur l’une des trois scènes de la Comédie-Française contrairement à son ami Lars Noren. L’attente prend splendidement fin au Studio avec un spectacles qui réunit des courtes pièces et des poèmes inédits en français de Fosse et, pour l’heure, non édités. Un spectacle qui offre au metteur en scène et traducteur Gabriel Dufay de poursuivre son compagnonnage avec le prix Nobel norvégien, passé par un livre d’entretiens et, récemment, pat une magnifique mise en scène de Vent Fort (lire ici) laquelle sera prochainement reprise.

Pendant que la lumière baisse et que tout devient noir est la première des courtes pièces faites de courtes scènes. Un homme fait face à une jeune fille qui n’est pas venue au rendez-vous fixé. Cette relation (amoureuse) effraie un peu la (jeune) fille . « J’ai tellement peur./ Il est marié/ Il a un enfant/ Et je ne veux pas dépendre du lui/ Je n’ai que/ cette petite vie à moi » dit elle à un garçon ami qui aurait bien aimé faire sa vie avec elle laquelle ne le souhaite pas, cependant, elle lui propose de rester et de passer chastement la nuit ensemble se sentant « tellement perdue ». L’homme est rentré chez lui et dit bientôt sa femme qu’il veut la quitter, ils vivent ensemble depuis quinze ans Il loue un appartement, veut que la fille vienne y vivre, elle hésite, préfère lui donner rendez-vous dans un café. A la scène suivante, ils vivent ensemble depuis sept ans. Sa première femme revient et fait remarquer à l’homme « et tu as pensé à ton enfant ». Survient le garçon ami de la fille : «  je suis tellement seul » dit-il. L’ancienne femme et le garçon « baissent les yeux » tandis que l  homme et la fille s’assoient sur un banc « les bras l’un autour de l’autre, pendant que la lumière baisse et que tout devient noir ».

Dans Là-bas, un homme et une femme marchent dans la nature, l’homme voit au loin quelque chose, la femme ne voit rien. Elle lui demande ce qu’il a vu, il esquive « ce n’est rien qui mérite qu’on en parle ». il insiste cependant, désigne « une forte lumière » au bas de la montagne, non elle ne voir rien. Il insiste encore : « Tu ne vois pas qu’il y a comme un espace lumineux dans la lumière », « non » dit elle . L’homme marche d’un « pas vacillant », sort, on entend qu’il « s’écroule ». « La femme se dépêche de sortir pour le retrouver. La lumière s’éteint ».

Des petites pièces comme des fulgurances.

Les poèmes, plutôt brefs, parlent souvent de la mort, de « vivre dans le secret », d’anges : « je veux écouter les anges qui viennent de mes amis morts/silencieux comme la neige, clairs comme la neige ».

Dans son livre d’entretiens avec Jon Fosse, ce dernier dit, comme en écho au spectacle  : «  J’ai le sentiment quand j’écris, d’avoir un lieu secret, caché au fond de moi. J’écris depuis ce lieu caché, je ne sais comment appeler ce lieu, je ne sais rien et je ne veux rien savoir de ce lieu. Je sais seulement que j’aime y être. C’est un lieu secret, protégé du vent, on pourrait dire. Pour entrer dans ce lieu il faut écrire. C’est pour cela que j’ai écrit tellement et que je continue d’écrire, et que j’écrirai encore ».

Dans une simple et subtile scénographie de Margal Nessi, les cinq acteurs du Français – deux sociétaires, Didier Sandre et Anna Cervinka, trois pensionnaires, Clément Bresson, Sefa Yeboah et Morgane Real-, guidés en connaisseur par Gabriel Dufay, se sont nourris des mots de Fosse en accompagnant avec délicatesse leur indicible magie.

Studio de la Comédie-Française, 18h30 du mer au dim inclus, jusqu’au 2 nov. Les textes ont été traduits par Camilla Bouchet, Marianne Ségol, Terje Sinding et Gabriel Dufay.

Reprise de « Vent fort » dans la mise en scène de Gabriel Dufay au Théâtre d’échangeur du 8 au 17 oct.

Le théâtre de Jon Fosse est publié à l’Arche tout comme « Écrire c’est écouter », livre d’entretiens de Gabriel Dufay avec Jon Fosse

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