Il y a cinquante ans, le jeune Jean-Paul Wenzel (27ans) écrivait Loin d’Hagondange ; l’histoire d’un couple d’ouvriers, Georges et Marie, retraités des aciéries de cette ville de l’est alors encore sidérurgique. « Une façon de mettre en jeu la parole de ceux qui ne l’ont pas » écrivait Wenzel. Pas simple la vie d’ouvriers retraités. Georges et Marie ont acheté une modeste bicoque dans la campagne, Georges y a installé un atelier où, enfermé, il bricole, Marie ne se fait pas à la campagne. « Je ne te vois plus, tu ne sors plus de l’atelier, je m’ennuie sans toi Georges. Tu ne t’intéresses plus à moi » dit Marie. Georges tombe malade, s’en sort, un beau jour de printemps, c’est Marie qui meurt, un malaise en replantant des rosiers. Georges envoie un télégramme à leur fille.
Dans une mise en scène de l’auteur, lui-même originaire d’une famille ouvrière de l’est et élève de l’école du TNS, la pièce a été créée en 1975 à Théâtre Ouvert qui avait alors ses entrées au Festival d’Avignon. Patrice Chéreau devait la mettre en scène trois ans plus tard au TNP. Emblématique de ce que l’on allait nommer « le théâtre du quotidien », Loin d’Hagondange allait être traduite en bien des langues et faire le tout du monde.
Vingt cinq ans après, Wenzel écrivait Faire bleu, l’histoire d’André, pré-retraité de 60 ans et de son épouse Lucie, deux ans de moins, « l’action se déroule loin d’Hagondange , dans une petite maison à la campagne », celle où vivaient les parents de Lucie. Le couple a tout refait ou presque. André passe ses nuits à regarder des films. Les enfants sont loin, ils ne sont pas venus pour Noël, ce soir-là André a un malaise. A son retour de l’hôpital, André retrouve Lucie et ses rêves de voyages. Avec le chèque-voyages envoyé par les enfants, le vieux couple rêve d’Afrique , yeux fermés, main das la main.
La pièce a été créée en 2000 à Hérisson, dans l’Allier, le village d’ Olivier Perrier, ce dernier, Jean-Louis Hourdin et Wenzel avaient ouvert aux Ilets le centre dramatique national de Montluçon coproducteur du spectacle.
Vingt cinq ans de plus et c’est aujourd’hui. Wenzel a quitté Paris et s’est installé, loin, très loin d’Hagondange, à Cosne-sur-Loire dans la Nièvre où, réaménageant, un ancien garage aménagé en salle de spectacle, il a créé le Garage théâtre qu’il anime avec sa fille Lou. Chaque année, à la fin août se tient « le festival du Garage théâtre » durant une semaine, dont c’est, présentement, la sixième édition. C’est là qu’au premier soir a été créé le troisième volet de sa trilogie familiale : Au vert !
Retraités à leur tour, Carole et Norbert sont devant la maison dont ils ont hérité et n’est plus habitée depuis six ans, après le décès de la mère de Norbert.
La clef a du mal à ouvrir la porte, pas simple de pénétrer dans le passé familial. Les odeurs de pourriture les suffoquent. « Pas question de garder cette bicoque..trop de fantômes inconciliables » dit Norbert qui cependant n’a rien fait pour la vendre et puis Carole aime la région. Alors, jour après jour, ils s’attardent, reviennent, et finalement, Norbert reste. Devenu un écrivain célèbre, après avoir, de roman en roman, raconté l’histoire de sa famille sur plusieurs générations. Il est en panne d’inspiration, peut-être la retrouvera -t-il ici. Pour l’heure, il s’aménage un bureau. Et petit à petit se replie sur lui-même.
Lassée et délaissée après trente sept ans de vie commune, Carole part vivre en ville, elle reviendra les week-ends. De moins en moins. Norbert peine à retrouver « le déclic », l’inspiration. « Je cherche la poésie, le poème et toujours ressurgit le récit descriptif, autobiographique ».Charlotte leur fille, actrice ou activiste, vient voir son père, elle rêve d’un « collectif ».Elle part,.
Un jour, resté seul face à ses fantômes, Norbert brûle ses anciens écrits et...disparaît. Dans un texte retrouvé par sa fille, il parle de la forêt. « Je me mets au vert » écrit-il. Reviendra-il ?
La pièce mise en scène par l’auteur est magnifiquement interprétée par Gilles David (sociétaire de la Comédie Française et possédant une maison non loin de Cosne-sur-Loire), Camille Grandville et Lou Wenzel.
Le spectacle « Au vert ! » a ouvert le premier soit le festival du Garage théâtre qui s’achèvera ce dimanche. Chaque jour une « surprise » à 19h et un spectacle à 21h.
Renseignements : le.garage.theatre@gmail.com ou 06 26 75 38 39 . Réservations sur www.garagetheatre-amis.fr