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formateur, expert associé France Education International (CIEP), membre professionnel laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris Université

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Billet de blog 4 décembre 2024

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TIMMS 2023 : changeons la politique des savoirs !

Ce que les résultats français à l’évaluation TIMMS 2023 révèlent, c’est l’inadéquation complète d’une politique des savoirs ségrégative à la réussite de tous les élèves.

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Une nouvelle fois, une enquête internationale -TIMMS 2023[1]- vient agiter le débat éducatif sur la performance des élèves français.

Débat qui fait l'impasse sur le sens des évaluations internationales, qui, derrière leur apparence objective, instillent une conception de la compétition internationale en éducation susceptible de modeler une politique des savoirs supranationale faisant fi des finalités éducatives en se focalisant exclusivement sur l'atteinte de standards internationaux.

Une nouvelle fois, dans ce débat tronqué, on va déplorer la faiblesse des résultats des élèves français de CM1 et de 4e, l’augmentation parmi elles et eux, de celles et ceux qui ont les résultats les plus faibles, ces élèves se recrutant massivement dans les milieux sociaux populaires, le creusement des inégalités entre les filles et les garçons. Pire encore, pour le tenants d’une école à deux vitesses, le vivier de celles et ceux qui réussissent s’appauvrit également.

Si, selon le ministère de l’éducation nationale, « entre 2019 et 2023 les scores des élèves scolarisés en France restent stables en mathématiques et en sciences », il n’en demeure pas moins que, pour le ministère, le score de ces élèves est  « en retrait » par rapport aux autres pays, « sous la moyenne européenne », et que se manifeste « un accroissement des écarts de performance entre les élèves ». Que déduit de cela le ministère ? Qu’il « poursuit l’ambition d’élever le niveau de tous les élèves, notamment en mathématiques et en sciences ». Et que par conséquent, avec "l’acte II du choc des savoirs", on va voir ce que l’on va voir.

Or, ce que disent très clairement les résultats de TIMMS, c’est l’échec de la politique des savoirs obstinément poursuivie par les quatre ministres de 2024 et leurs prédécesseurs.

Echec d’une focalisation sur des enseignements dits "fondamentaux", qui appauvrit, dès l’école, la formation scolaire commune.

Echec de l’imposition, à coup de vademecums et bientôt de manuels labellisés, d’une prétendue méthode unique permettant d’enseigner, par exemple la méthode dite de Singapour pour les mathématiques, en ne laissant pas à l’expérience et l’expertise des enseignants le choix de la méthode la mieux adaptée à leurs élèves.

Echec du souci farouche de discriminer les « bons » et les « fragiles », au prétexte de favoriser la réussite des uns et des autres, alors que cette discrimination appauvrit la formation des uns et des autres. Le "choc des savoirs", acte I et acte II est, de ce pont de vue, caricatural.

Echec de la prégnance d’une évaluation fondée sur la note sanction et la moyenne générale, qui n’a rien d’une évaluation formative et formatrice permettant aux élèves de progresser effectivement. La nouvelle version annoncée du Brevet renforce encore ce travers, en majorant le rôle des notes d’examen au détriment de l’appréciation nuancée des compétences réellement acquises par les élèves et en dressant un obstacle supplémentaire à la poursuite de formation des élèves des milieux populaires.

Il n’y a rien à attendre de bon de la poursuite obstinée de cette politique des savoirs ségrégative nuisible à la réussite de tous. Il est regrettable que le ministère de l’éducation nationale s’enferre dans une voie sans issue qui, par dogmatisme, met en péril la formation des jeunes générations. Comme il est regrettable que, dans le débat national, la question de la politique des savoirs ne soit que trop rarement posée : il est temps d’en dresser l’inventaire pour sortir de la nasse où elle nous enferme.

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[1] https://www.education.gouv.fr/timss-2023-resultats-en-mathematiques-et-en-sciences-des-eleves-de-cm1-et-4eme-415965

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