On attend encore, à ce jour, la sortie annoncée ce mois-ci du livret thématique éducation de la France insoumise.
Il n’est pas inintéressant de se reporter aux synthèses 1 et 2 des contributions au débat sur le programme, et notamment sur son chapitre 6 : L’objectif du progrès humain, qui a rassemblé 22% des contributions, ce qui témoigne de l’importance de la préoccupation éducative. Et ces synthèses permettent au passage de percevoir les convergences et divergences qui peuvent exister entre les électorats de Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon.
La synthèse 2[1] tient en 4 items pour le primaire et le secondaire.
« - assurer des moyens humains (recrutement) et financiers (rémunération) à la hauteur de l’ambition éducative ;
- abolir la réforme du collège et revoir les rythmes scolaires ;
- rallonger le bac professionnel à 4 ans ;
- permettre la mise en œuvre des pédagogies alternatives ».
On notera que l’un de ces items propose d’abolir ou de revoir deux éléments clés de la politique éducative menée dans le cadre de la refondation de l’école sous l’actuel quinquennat. Il s’agit là sans doute d’un point de divergence avec le conseil citoyen de Benoît Hamon[2], même si la question des rythmes scolaires et celles du collège y suscitent des interrogations . En revanche, les deux courants convergent sur la mise en œuvre de pédagogies alternatives et une ambition touchant au recrutement et à la rémunération des enseignants.
La synthèse 1[3] apporte de son côté la confirmation de l’intérêt pour des pédagogies et des enseignements alternatifs (pédagogie de la non violence, Montessori, mais aussi « ayant trait aux modifications sociétales actuelles (numérique, écologie, production / consommation alimentaire) », qui va de pair avec la nécessité de rééquilibrer en faveur de la pédagogie la formation des enseignants jusqu’ici quasi exclusivement disciplinaire. Il y a là une convergence forte avec des propositions du conseil citoyen de Benoît Hamon. On trouve aussi des propositions touchant à la réduction durée de la semaine de cours particulièrement lourde en France, sur « l’inclusivité de l’école par différentes mesures reprenant des propositions telles que l’accompagnement précoce des enfants de moins de 3 ans, ou remettre des enseignements manuels à l'école». Ici encore, on trouve des convergences avec les contributions du Conseil citoyen de Benoît Hamon.
On voit donc se dessiner des lignes d’une politique éducative commune aux gauches, marquée tout particulièrement par l’accent mis sur la formation professionnelle (et non plus quasi exclusivement disciplinaire) des futurs et nouveaux enseignants ; sur la scolarisation des enfants avant trois ans ; la diversification des enseignements et des activités scolaires en lien avec les transformations sociétales ; la nécessité de rééquilibrer la formation des enfants en donnant toute leur place à autre chose que des cours disciplinaires ; le besoin d’un recrutement et d’une rémunération des enseignants à la hauteur des ambitions éducatives affichées.
On remarquera l’actuelle discrétion relative du débat, dans la France insoumise comme dans le Conseil citoyen, sur la question des questions : quel modèle éducatif souhaitons nous en ce début de 21e siècle ? Plutôt que d’additionner des réformes partielles sans toucher à l’architecture de ce modèle, ne serait-ce pas une belle ambition pour la gauche de revisiter ce modèle pour en proposer un qui soit adéquat au monde, à la société, à la culture dans lesquels nous vivons désormais ? Le modèle de l’école inclusive en fait assurément partie. Mais ne faudrait-il pas questionner plus en profondeur notre forme scolaire, dont Guy Vincent soulignait, en 1994, il y a plus de vingt ans déjà que l’éducation en est « prisonnière »[4] ? Et mettre en débat auprès des citoyens ce que pourrait être le dessin d’une autre école, avec de nouveaux enseignants, qui ne soit pas une variation de plus, exécutée comme les autres dans le cadre d’une figure imposée qu’on interroge trop peu souvent ?
[1] http://www.jlm2017.fr/synthese2
[2] https://conseilcitoyenhamon2017.fr/project/education/consultation/consultation-2/types/comment-favoriser-la-reussite-de-chacun/votes/5
[3] http://www.jlm2017.fr/synthese1
[4] Vincent, Guy, (dir) L’éducation prisonnière de la forme scolaire ? Scolarisation et socialisation dans les sociétés industrielles, Lyon, Pressues universitaires de Lyon, 1994