C’est une note de service datée du 28 juin et publiée au BO du 14 juillet dernier[1] qui précise les conditions de mise en oeuvre et les modalités d’organisation, dès la rentrée 2022, du passeport d’éducation financière, « dans le cadre du développement d'une éducation économique, budgétaire et financière pour tous les élèves, dès l'école élémentaire et tout au long de la scolarité » et en partenariat avec la Banque de France. On la cite largement dans ce billet.
« L'Educfi véhicule des messages simples et concrets auprès de tous les publics :
- apprendre à construire et respecter un budget ;
- comprendre que l'épargne, lorsqu'elle est possible, est utile pour faire face à des imprévus ;
- mesurer le coût d'un crédit, car un crédit est rarement gratuit ;
- utiliser les moyens de paiement de manière sécurisée ;
- choisir une assurance adaptée à ses besoins ;
- apprendre à repérer une arnaque financière ;
- savoir à qui s'adresser en cas de difficultés ;
- comprendre aussi les grands mécanismes de l'économie pour prendre sa pleine place dans la société en tant que citoyen ».
Cette « Educfi » est en lien avec le parcours citoyen et le parcours Avenir. Et, bien entendu, « L'Educfi ne repose sur aucune discipline en particulier (…) Ainsi, travailler sur l'énergie en physique-chimie, sur l'environnement en sciences de la vie et de la Terre interroge sur des choix et modes de consommation qui ont un impact sur le budget. En mathématiques, les élèves peuvent formaliser un budget sur tableur et mobiliser les calculs avec taux d'intérêt pour comparer des coûts d'emprunt, par exemple. Le lexique financier peut être travaillé à partir d'un texte littéraire, en français et également en langues étrangères ».
Comme on cherche toujours à développer l’autonomie des établissements scolaires, la note de service rappelle que « les collèges inscrivent prioritairement les élèves de 4e et de 4e Segpa (section d'enseignement général et professionnel adapté). Chaque collège inscrit au moins l'équivalent de deux classes au passeport Educfi afin de permettre à un maximum d'élèves d'en bénéficier.
Le passeport peut également être proposé aux autres niveaux du cycle 4 en fonction du projet d'établissement et/ou des équipes. Il peut aussi être ouvert aux classes des lycées professionnels qui le souhaiteraient, notamment pour des classes de 3e prépa-métiers et des classes de CAP ».
« Le choix de la mise en œuvre du passeport Educfi appartient aux professeurs, qui veillent à l'intégrer à leurs progressions pédagogiques. Les modalités retenues peuvent être diversifiées et relèvent pleinement de la liberté pédagogique des professeurs. À ce titre, ils peuvent opter pour :
- un travail en co-intervention, de façon disciplinaire ou interdisciplinaire ;
- une séquence avec un groupe-classe ou un groupe spécifique (l'ensemble des délégués de classe, par exemple) ;
- un usage du diaporama -fourni par les promoteurs de l’éducfi (NDR)- sans modification ou adapté à la spécificité des élèves ».
ET, comme le ministère pense vraiment à tout, « Un parcours d'autoformation national est également ouvert pour l'ensemble des professeurs désireux de se former au passeport.
https://eduscol.education.fr/180/education-economique-budgetaire-et-financiere »
Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des curriculums possibles. La recette appliquée ici est en effet une recette éprouvée : à chaque fois que se manifeste un besoin éducatif nouveau, on crée une éducation nouvelle, ici l’éducation économique, budgétaire et financière, que les établissements sont tenus de mettre en œuvre sans qu’aucune heure d’enseignement ne soit dévolue à cette éducation nouvelle, qui repose sur la bonne volonté des professeurs…
On sait ce qu’il en est : tout est fait, dès le départ, pour que rien ne se passe effectivement de manière générale pour la plupart des élèves. On affiche une mission éducative de plus, on fournit un diaporama national comme support, et puisqu’on a écrit que cela existait, cela existe nécessairement.
Bien évidemment, à chaque fois qu’on ajoute une éducation supplémentaire, on ne change rien à l’organisation des enseignements en disciplines cloisonnées, chacune avec son programme pour chaque niveau. Le 27 janvier dernier, une circulaire proclamait la généralisation de l’éducation aux médias et à l’information[2]. Qu’en est-il en cette rentrée, et qui s’en soucie vraiment ?
Quand sortira-t-on de ces faux-semblants ? Ne faudrait-il pas s’interroger, non dans le cadre d’un cabinet, mais en place publique, sur ce que l’école devrait effectivement enseigner à tous ses élèves ? Et ne pas partir de l’existant déjà là, l’organisation des enseignements en disciplines fruits d’une longue histoire, mais des besoins des élèves d’aujourd’hui pour disposer des repères leur permettant de faire société dans le monde d’aujourd’hui en étant porteur d’une culture ouverte sur l’héritage des siècles passés et les enjeux du siècle présent et de l’avenir ?
Poser cette question de strict bon sens suffit à mesurer le dérisoire du nouveau passeport « Educfi » déjà périmé avant d’être effectivement mis en œuvre. Il serait plus que temps de penser la formation de nos élèves en terme d’éducation complète et non simplement d’instruction académique agrémentée d’une ribambelle d’éducations virtuelles, plus présentes dans les textes officiels que dans la vie des élèves.
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[1] https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo28/MENE2216083N.htm
[2] https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo4/MENE2202370C.htm