Le Bulletin officiel du 3 janvier 2013 a publié l’arrêté du 29/11/2012 paru au Journal officiel du 13/12/2012 relatif au concours général des lycées. Cet arrêté, qui remplace certains articles de l’arrêté du 3/11/1986 modifié, est l’occasion de réinterroger le sens même du concours général des lycées.
Qui a eu l’occasion d’assister, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, à la remise des prix et accessits de ce concours[1], a pu en mesurer toute la portée symbolique. Il s’agit de célébrer le renouvellement permanent de l’excellence scolaire française[2] et la vitalité d’une tradition antérieure à la révolution française, certes, mais liée à l’essor des Lumières au 18e siècle.
Cette « compétition de type spécifique ne visant à récompenser que les meilleurs concurrents »[3] est en effet née en 1744 à l’Université de Paris. Concours annuel ouvert aux élèves des collèges parisiens et consacré aux disciplines qui y étaient enseignées, sa première session eut lieu en 1747 et ses prix furent décernés en Sorbonne sous la présidence du futur chancelier Maupeou (une affaire politique, déjà).
Mais, comme l’indique la présentation du concours sur le site du ministère « il a toujours suivi l’évolution de l’éducation nationale et de la société »[4].
C’est ainsi qu’il fut supprimé par la Convention en 1793, puis rétabli sous l’Empire en 1803 avec la fondation du lycée impérial, étendu en 1818 au lycée de Versailles En 1864, la création de concours académiques, suivis d’un concours général des départements complète le dispositif parisien. En 1904, il fut à nouveau supprimé, pour que la préparation des potentiels lauréats ne se fît pas, comme c’était le cas dans certains établissements, au détriment des autres élèves (l’opposition, déjà, entre la distillation d’une élite parmi l’élite et la réussite de l’élite entière). Rétabli en 1921, il fut restreint aux classes de première et terminale. En 1923, il prit sa forme nationale actuelle par l’abolition de la distinction entre Paris et Versailles d’une part, les départements d’autre part. En 1924, les lycéennes furent autorisées à y concourir. C’est en 1981 qu’il s’ouvre aux disciplines technologiques (hasard historique ?) et en 1995 aux disciplines de l’enseignement professionnel. L’association des lauréats du concours général[5] veille au maintien du concours et intervient chaque fois que sa suppression est envisagée, comme ce fut le cas au début des années 1970 (autre hasard historique ?). Ce rapide survol, dont les éléments ont été puisés sur le site de l’association, témoigne de l’attachement institutionnel à une compétition destinée à célébrer l’excellence comme des réticences qu’elle suscite par rapport à son caractère exclusivement élitiste.
Où en sommes-nous en 2013 ?
L’annexe du décret du 12/11/12 présente la liste des disciplines, la nature et la durée des épreuves.
Pour les classes de 1e, en séries générales (S, ES, S) la composition française, l’histoire, la géographie, la version latine, le thème latin et la version grecque constituent le tronc commun, auquel s’ajoutent, pour les classes de 1e et terminale, les arts plastiques et l’éducation musicale. Cette énumération au parfum délicieusement rétro ne va pas sans commentaire : on pourrait être tenté d’en conclure que, si le concours général suit « l’évolution de l’éducation nationale et de la société », c’est à distance très respectueuse... Ce serait ne pas tenir compte de la répartition des épreuves sur les deux années de 1e et de terminale qui correspond à celle des épreuves du baccalauréat, réparties sur ces mêmes années. En classe terminale apparaissent en effet, outre la dissertation philosophique et les langues vivantes dans toutes les séries, les sciences économiques et sociales en ES, les mathématiques, la physique –chimie, les sciences de la vie et de la Terre et les sciences de l’ingénieur en S, les sciences et technologies industrielles et du développement durable en STI2D, les biotechnologies, sciences physiques et chimiques en laboratoire en STL, les sciences et techniques sanitaires et sociales en ST2S, l’économie-droit en STG, les technologies et gestion hôtelière en série hôtellerie.
Cette offre correspond-elle vraiment à ce que l’on pourrait attendre d’un concours suivant « l’évolution de l’éducation nationale et de la société » ? On ne peut manquer d’être frappé par l’absence des enseignements qui ont été introduits lors de la réforme des lycées de la fin du siècle dernier, destinée à ébaucher le lycée du 21e siècle. Préparée sous le ministère Claude Allègre par une grande enquête auprès des lycéens en 1997, elle avait abouti notamment à la mise en place d’un enseignement d’éducation civique, juridique et sociale, et de travaux personnels encadrés, deux alternatives à l’enseignement magistral destinées à initier les lycéens au débat citoyen argumenté et à l’activité de recherche. On pourrait attendre du concours général qu’il encourage également la recherche de l’excellence dans des domaines fondamentaux pour l’école républicaine. Certaines de ses épreuves comportant déjà une épreuve d’admissibilité et une épreuve d’admission, pourquoi ne pas imaginer une épreuve d’éducation civique juridique et sociale, permettant de valoriser les lycéens qui auraient préparé, en s’appuyant sur les réseaux numériques, un dossier documentaire sur une question d’actualité et présenteraient oralement, en s’appuyant sur les moyens technologiques d’aujourd’hui, les termes du débat ? Ce serait là une bonne occasion de marquer le fait que le concours général prend en compte deux des éléments fondamentaux de la refondation de l’école, « faire entrer l’école dans l’ère du numérique » et « développer les connaissances, les compétences et la culture nécessaires à l’exercice de la citoyenneté dans la société de l’information et de la communication » traduits dans les articles 2 et 3 de l’actuel projet de loi d’orientation. Une bonne occasion aussi d'ouvrir une piste pour envisager une refondation du baccalauréat.
« Outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l'école de faire partager aux élèves les valeurs de la République, parmi lesquelles l’égale dignité de tous les êtres humains, l’égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité et la laïcité qui repose sur le respect de valeurs communes et la liberté de conscience.» (article 3)
« Après la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 111-2, il est inséré une phrase ainsi rédigée: «Elle développe les connaissances, les compétences et la culture nécessaires à l’exercice de la citoyenneté dans la société de l’information et de la communication. » (article 4).
[1] Avec, par exemple, Jacqueline de Romilly et Régis Debray, anciens lauréats, représentant les ombres tutélaires de Lavoisier, Musset, Baudelaire, Jarry, ou Blum, honorant de leur présence les lycéens distingués au concours de l’année.
[2] Dans l’agenda de l’éducation du site du ministère de l’éducation nationale, l’article consacré au concours général est ainsi titré : Le concours général : un prix d’excellence
[3] Article 2 de l’arrêté du 29/11/2012
[4] http://www.education.gouv.fr/cid23025/le-concours-general.html