La publication le 15 décembre 2016 par le Conseil supérieur des programmes (CSP) d’Orientations pour l’éducation aux médias et à l’information (EMI) aux cycles 2 et 3[1] (du CP à la 6e) est venue compléter le programme d’enseignement du cycle des approfondissements ( cycle 4- de la 5e à la 3e) publié avec l’arrêté du 9 novembre 2015[2].
Le lecteur perspicace percevra une forme de cohérence et de continuité implicite entre les programmes des trois cycles, que peut masquer l’hétérogénéité des entrées choisies entre cycle 2 et 3 d’une part et cycle 4 de l’autre. Les mots-clés communs aux trois programmes pourraient être ceux de l’éducation progressive à la responsabilité (connaître ses droits et responsabilités dans l’usage des médias aux cycles 2 et 3, utiliser les médias de manière responsable au cycle 4), et à la production et au partage d’informations (écrire, créer, publier, réaliser une production collective aux cycles 2 et 3, produire, communiquer, partager des informations au cycle 4). Il percevra de même que le cycle 4 se distingue bien en ajoutant comme objectif de formation en cohérence avec le socle commun de connaissances de compétences et de culture l’autonomie dans l’utilisation des médias et de l’information et la capacité à exploiter l’information de manière raisonnée.
Ce même lecteur perspicace pourra en revanche s’interroger sur la compatibilité entre certains objectifs affichés pour les cycles 2 et 3 et la maturité des élèves concernés (du CP au CE2 pour le cycle 2, CM-1 et 2- et 6e pour le cycle 3).
Peut-on raisonnablement demander à un enfant de 6 à 8 ans d’apprendre « à communiquer et à exprimer ses sentiments et ses opinions en les justifiant (souligné par moi) dans le respect de soi et des autres » ? Ne serait-il pas plus sage de lui demander, entre 6 et 8 ans, d’apprendre « à communiquer et à exprimer ses sentiments et ses opinions dans le respect de soi et des autres » ?
N’est-il pas particulièrement hors de portée de viser à ce qu’ « il identifie les différents médias (écrit, audiovisuel, numérique) et en découvre l’organisation et le fonctionnement général (souligné par moi)» ? Ne serait-ce pas une ambition plus raisonnable de souhaiter qu’ « il découvre progressivement qu’il existe plusieurs médias dans son environnement proche et que les informations données ne sont pas similaires » ?
De la même manière, « prendre l’habitude de citer ses sources » « connaître ses droits et responsabilités dans l’usage des médias » est-il à la portée de tout enfant de 6 à 8 ans ? « Apprendre progressivement à identifier ses sources d’information, découvrir quelques unes des règles concernant l’usage des médias » ne serait-il pas plus ajusté à ces enfants ?
Au cycle 3, quel enseignant ou quel parent peut sans hésitation souscrire à l’objectif suivant : ils "produisent, représentent et diffusent eux-mêmes (souligné par moi) l’information" ? Tout élève de CM2 ou 6e peut-il « savoir référencer ses sources » ?
Ces objectifs peuevnt paraître hors de portée pour bon nombre d’élèves.
Les formulations retenues pour le cycle 4 semblent plus réalistes, comme, par exemple :
« Distinguer les sources d'information, s'interroger sur la validité et sur la fiabilité d'une information, son degré de pertinence.
S'entrainer à distinguer une information scientifique vulgarisée d'une information pseudo-scientifique grâce à des indices textuels ou paratextuels et à la validation de la source ».
On peut craindre que le maximalisme affiché dans certaines formulations d’objectifs d’éducation aux médias et à l’information aux cycles 2 et 3 prive ces orientations d’une mise en pratique convaincue par les professeurs des écoles et de 6e.
En pédagogie aussi, le mieux peut être l’ennemi du bien.
[1] http://www.education.gouv.fr/cid111245/emi-cycles2-3.html
[2] http://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=94717